En pleine crise de la dette dans la zone euro, l'économie allemande, elle, tourne et a besoin de main-d'oeuvre. Paradoxe ou conséquence de la situation actuelle, le pays d'Angela Merkel recrute donc des travailleurs qualifiés en Grèce, pays où le taux de chômage explose et dont elle exige par ailleurs une austérité budgétaire draconienne pour éviter d'avoir à la renflouer.

Première économie de l'Union européenne, l'Allemagne est rapidement sortie de la crise financière qui a éclaté en 2008 et connaît aujourd'hui un taux de chômage de 6,6% de la population active, au plus bas depuis 20 ans.

Pour faire tourner son industrie et alors que sa population active vieillit, elle regarde logiquement vers les pays de la zone euro les plus durement frappés par la crise, comme la Grèce ou l'Espagne et le Portugal, où le nombre de chômeurs est en constante augmentation.

Le taux de chômage s'élève ainsi à 16,7% en Grèce et grimpe jusqu'à 42% chez les moins de 24 ans.

En Espagne, ces chiffres montent à 20% et 45% pour les moins de 25 ans.

Si l'Allemagne a recruté des millions de travailleurs turcs non qualifiés dans les années 1960 pour reconstruire le pays après la Deuxième Guerre mondiale, elle cherche aujourd'hui des professionnels qualifiés.

«Nous avons vraiment besoin de médecins, d'infirmières et d'ingénieurs, et nous avons commencé à les recruter dans les pays de l'UE où le chômage est élevé», explique Beate Raabe, porte-parole de l'Agence fédérale de l'emploi, qui met depuis quelques mois en relation les entreprises allemandes avec les demandeurs d'emploi de ces pays.

L'Association des ingénieurs allemands estime à 80 000 le nombre d'emplois d'ingénieurs à pourvoir dans le pays. Dans le secteur de la santé, ce sont 12 000 médecins dont l'Allemagne a besoin, selon leur fédération. Et le gouvernement a estimé à 66 000 le manque en spécialistes de technologies de l'information.

Une aubaine pour les travailleurs qualifiés au chômage dans les pays de la périphérie de l'UE, qui fuient la crise financière et des perspectives sombres chez eux. Christos Kotanidis, ingénieur civil grec, a ainsi quitté il y a trois mois Thessalonique pour Erlangen, dans le sud de l'Allemagne, où il a trouvé un employé chez le géant de l'industrie Siemens.

À 33 ans, il ne travaillait plus qu'à temps partiel dans son pays, son employeur ne pouvant plus payer des salaires à temps complet en raison de la crise. Il lui a fallu six semaines pour trouver un poste en Allemagne.

«J'ai décidé de chercher un emploi en Allemagne, car son économie est stable», explique-t-il. «En Grèce, la situation économique est mauvaise actuellement et l'avenir s'annonce encore pire.»

Les entreprises allemandes recrutent également en Irlande, pays qui a lui aussi été contraint de demander une aide de l'UE et du Fonds monétaire international (FMI) pour éviter la faillite. Globalfoundries, fabriquant de semi-conducteurs à Dresde (est), a embauché cette année 30 ingénieurs irlandais.

Parmi eux se trouve Ivan O'Connor, 31 ans, qui s'est installé en décembre dernier. «J'aime beaucoup vivre et travailler ici. La qualité de vie est très bonne et je cherchais un emploi quand l'occasion s'est présentée», dit-il.

Son départ vers l'Allemagne a été facilité par le fait que la langue officielle chez Globalfoundaries est l'anglais. C'est une exception, l'allemand étant souvent privilégié par les recruteurs. Une barrière que les étudiants européens franchissent toutefois facilement, selon l'Institut Goethe, qui propose des formations en allemand partout dans le monde.

Son bureau de Barcelone a ainsi relevé une augmentation de 54% de ses étudiants en langue au cours des deux dernières années, plus de 70% d'entre eux affirmant vouloir apprendre l'allemand pour augmenter leurs chances de succès sur le marché du travail, selon le porte-parole Diar Amin.

Grâce à cela, Enrique Serratosa, un Barcelonais de 22 ans, a trouvé un emploi chez Wacker, une entreprise de chimie à Munich. «La situation est très dure ici, le chômage est élevé et ça ne fait qu'empirer», résume-t-il. «Environ 80% de mes amis cherchent du travaillent à l'étranger et beaucoup d'entre eux veulent aller en Allemagne, où on peut apprendre beaucoup et où les salaires sont également meilleurs», confie le jeune Espagnol.