Le Japon a annoncé vendredi son adhésion à un projet de zone de libre-échange transpacifique à la veille du sommet de l'Apec à Hawaii, un geste qui risque d'indisposer son grand voisin chinois tenu à l'écart des négociations.

Avant de quitter Tokyo pour Honolulu, le premier ministre japonais Yoshihiko Noda a annoncé que son pays allait participer au lancement des négociations samedi en marge du sommet du Forum de coopération économique Asie-Pacifique (Apec).

Les États-Unis, hôtes du sommet qui voient dans l'Asie le moteur de la croissance mondiale, espèrent annoncer à cette occasion les grandes lignes du projet de libre-échange baptisé «Partenariat transpacifique» (TPP). La présence du Japon, troisième économie mondiale, donne une tout autre dimension au projet qui réunit neuf autres pays (Australie, Brunei, Chili, États-Unis, Malaisie, Nouvelle-Zélande, Pérou, Singapour, Vietnam).

Elle a aussi pour effet d'isoler les 11 autres pays membres de l'Apec, à commencer par la Chine, deuxième puissance commerciale mondiale, qui a dit douter que les pays en développement puissent répondre aux exigences du TPP: ce projet prévoit que les signataires respectent des normes sociales ou écologiques en échange d'un accès accru de leurs produits chez leurs partenaires.

«Les Chinois pensent que le TPP est un cordon visant à les encercler», relève l'économiste Gary Hufbauer, du Peterson Institute for International Economics à Washington.

Selon lui, Pékin pourrait être tenté de contre-attaquer en développant ses propres accords commerciaux avec les pays du Sud-Est asiatique (Asean), avec l'Inde ou la Corée du Sud, formant ainsi une sorte d'entente concurrente au TPP.

L'entrée du Japon dans le TPP est vivement souhaitée par les groupes industriels nippons qui en attendent une réduction des barrières tarifaires à leurs produits dans les pays membres.

Ils sont d'autant plus pressés que la récente flambée du yen, qui renchérit le coût de leurs produits fabriqués au Japon sur les marchés étrangers, les pénalise face aux fabricants d'autres pays qui, comme la Corée du Sud, ont pris une longueur d'avance dans la conclusion de traités de libre-échange bilatéraux.

Les agriculteurs japonais redoutent en revanche une libéralisation commerciale qui forcerait par exemple l'archipel à abaisser ses droits de douane de 800% frappant les importations de riz. Des milliers d'entre eux ont manifesté lundi à Tokyo contre les intentions de M. Noda, également confronté à l'opposition d'une partie de sa majorité.

Côté américain, le représentant pour le Commerce Ron Kirk a salué l'annonce du Japon mais averti que Tokyo devrait abaisser ses barrières douanières.

«Le Japon doit être prêt à observer les normes élevées de libéralisation du commerce prévues par le TPP», a souligné M. Kirk dans un communiqué. Tokyo devra ainsi «répondre aux inquiétudes spécifiques des États-Unis en matière de barrières commerciales dans les secteurs de l'agriculture, des services et de l'industrie», a-t-il prévenu.

Des parlementaires américains ont exigé que l'administration Obama s'assure que les barrières douanières japonaises soient réellement démantelées si Tokyo adhère au TPP.

Et l'association des fabricants d'automobiles américains AAPC a dénoncé l'adhésion du Japon. Dans un communiqué, le président de l'AAPC, Matt Blunt, a estimé que ce pays restait «le marché automobile le plus fermé parmi les pays développés».

«Les Japonais doivent prouver qu'ils comptent sérieusement ouvrir leur marché avant que les États-Unis ne leur accordent de nouveaux avantages commerciaux», a plaidé M. Blunt.