Le groupe japonais d'appareils photo Olympus a reconnu mardi avoir maquillé ses comptes pour dissimuler des pertes colossales sur des investissements financiers, aggravant le scandale qui plombe son image et son action en Bourse depuis près d'un mois.  

Les premières conclusions d'un comité d'experts sont accablantes à propos des honoraires mirobolants - 687 millions de dollars - versés en marge de l'acquisition du groupe d'instruments chirurgicaux britannique Gyrus en 2007, et au sujet de la somme manifestement excessive - 936 millions de dollars - payée pour l'achat de trois petites entreprises japonaises entre 2006 et 2008.

Selon ce panel de juristes indépendants désignés par des administrateurs extérieurs de l'entreprise pour enquêter sur ce scandale, une partie au moins de ces sommes a servi à masquer des pertes subies sur des investissements financiers dans les années 90.

Le PDG d'Olympus, Shuichi Takayama, s'est excusé devant les caméras pour l'une des pires affaires connues de dissimulation de pertes de ces dernières années, lors d'une conférence de presse organisée après ces nouvelles révélations.

«(L'ancien PDG) Kikukawa, (le commissaire aux comptes) Yamada et (le directeur général adjoint) Mori étaient au courant», a dénoncé M. Takayama, qui n'a pas écarté de lancer des poursuites judiciaires contre ces trois responsables. Hisashi Mori a été immédiatement congédié et Hideo Yamada a démissionné, a-t-il précisé.

Le scandale a éclaté au moment du limogeage du PDG britannique Michael Woodford, officiellement pour méthode de travail «inappropriée», le 14 octobre. Le lendemain, M. Woodford, qui n'était pas membre de la haute direction entre 2006 et 2008, révélait à la presse que son renvoi s'expliquait par ses demandes d'explications concernant des paiements indus lors du rachat des quatre sociétés.

Sous la pression des actionnaires et de la presse, son successeur, le vétéran Tsuyoshi Kikukawa qui démentait toute malversation, a jeté l'éponge moins de deux semaines plus tard, remplacé par un autre ancien de la maison, M. Takayama.

Les premières investigations du comité indépendant nommé alors pour enquêter, dévoilées mardi matin, ont provoqué une tempête à la Bourse de Tokyo, où le titre Olympus s'est effondré de 29,01%, le maximum autorisé pour la journée.

L'action du groupe d'appareils photo, également connu pour ses endoscopes, ne cote plus que 734 yens, son plus bas niveau depuis 1995 et 70% de moins qu'avant le scandale.

Le panel d'experts doit poursuivre ses recherches sur l'utilisation des fonds officiellement versés à une société de conseils financiers basée aux îles Caïmans, en marge de l'acquisition de Gyrus.

Il doit aussi éclaircir l'usage des sommes déclarées pour l'acquisition de trois sociétés japonaises n'entrant pas directement dans le périmètre des activités du groupe --une firme de compléments alimentaires et cosmétiques, une société de recyclage de matériel médical et un fabricant de récipients pour four à micro-ondes.

M. Takayama n'a pas voulu divulguer le montant total des pertes dissimulées, expliquant attendre les conclusions définitives du comité.

Mais avec cette crise inédite depuis sa création il y a 92 ans, Olympus court le risque de voir son action retirée de la cotation tokyoïte, une éventualité que son PDG «veut s'efforcer d'éviter».

Le patron a écarté par ailleurs toute démission et réfuté «le projet de faire revenir M. Woodford», une possibilité évoquée dans la presse et que l'intéressé n'a pas rejetée.

Lors d'une interview donnée depuis Londres à la télévision publique nippone NHK, M. Woodford a jugé que de nombreuses questions restaient sans réponse. «Quelle était la nature des pertes initiales? Leur montant? Quelles sommes ont terminé dans la poche de tiers et qui étaient-ils ?», a-t-il énuméré.

Le scandale inquiète au plus haut niveau: le premier ministre Yoshihiko Noda a demandé à Olympus de faire toute la lumière, craignant des nuisances pour la réputation du capitalisme à la japonaise.

Des enquêtes ont déjà été ouvertes au Royaume-Uni et aux États-Unis sur des ramifications de l'affaire.