Le Vietnam lutte pour reprendre le contrôle d'une inflation galopante et d'une monnaie en chute libre, mais au-delà de ces grands déséquilibres, le pouvoir combat un ennemi plus sournois: la perte de confiance des acteurs économiques.

En début d'année, le Parti communiste au pouvoir (PCV) a imposé une politique de rigueur pour reprendre le contrôle de l'inflation (23% en septembre), du déficit commercial (12,4 milliards de dollars en 2010), et d'une monnaie, le dong, dévaluée quatre fois en 15 mois.

Avec un coût du crédit qui dépasse aujourd'hui les 20%, les experts tablent sur au moins 18 mois supplémentaires très compliqués.

«Ce qui se passe au Vietnam, c'est une crise de confiance», résume un investisseur étranger de Ho Chi Minh-Ville (sud). «Le prix à payer est énorme. Il y a déjà un certain nombre de cadavres sur le trottoir». Mais cette rigueur «était nécessaire».

Obsédé par la croissance depuis vingt ans, jaloux de la réussite du voisin chinois, le Vietnam avait répondu à la crise financière de 2008 en injectant des liquidités dans l'économie.

Les bulles spéculatives se sont envolées. Symbole d'une déconfiture nationale, le groupe de construction navale public Vinashin a multiplié les investissements avant de plonger dans la quasi-banqueroute, avec des pertes de 4,4 milliards de dollars.

Dans le même temps, la bourse de Ho Chi Minh-Ville, lancée en grande pompe en 2000, a touché le fond. En août, le VN-Index a atteint son plus bas niveau historique, trois fois plus bas que son record de 2007 lorsque le pays rejoignait l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

«Comme pour d'autres institutions, les réformes n'ont pas suivi le rythme de l'économie», constate Jonathan Pincus, doyen de l'université privée Fulbright Economics. «Tout le monde sait qu'une nouvelle stratégie est nécessaire, mais ils ne disposent pas d'une structure politique suffisamment cohérente».

Dans un pays encore marqué par la culture de l'opacité, la véritable situation de l'économie est sujette à caution.

Les réserves de changes, officiellement, ne dépassent pas les huit semaines. Plusieurs banques publiques sont plombées par des créances douteuses et certains observateurs s'inquiètent de ce que provoquerait l'annonce d'un «autre Vinashin».

La Chambre de commerce européenne a publié son index du climat des affaires, en baisse pour le troisième trimestre consécutif, témoignant de ce que «les mesures prises pour stabiliser l'économie ont pour l'heure échoué à apaiser les inquiétudes de la communauté d'affaires».

En janvier, les autorités ont admis la nécessité d'un nouveau modèle économique. Mais aucune direction concrète n'a été proposée.

Jadis décrit comme le prochain «dragon asiatique», le Vietnam a fondé son développement sur la mobilisation de terres sous-exploitées, et d'une main d'oeuvre sous-employée. Mais l'étape suivante n'est jamais venue.

«Le Vietnam s'entête à produire (...) plus de café, riz, noix de cajou, tee-shirts et chaussures, mais il a du mal à se convertir à une production à haute valeur ajoutée», analyse Jonathan Pincus.

«Ces cinq dernières années, le modèle s'est déséquilibré. La question est de savoir si tout le monde le réalise», renchérit Dominic Scriven, PDG du fonds d'investissement Dragon Capital.

Et les Vietnamiens, semble-t-il, n'en sont pas convaincus. Naturellement  enclins à se réfugier dans l'or, ils se sont précipités ces derniers mois sur le précieux métal et le dollar. Y compris des banques qui, d'après une source étrangère, ont beaucoup spéculé contre la monnaie nationale.

«Les gens ont voté de la seule façon possible, en vendant du dong. Tout le monde - les ménages, les entreprises, les banques, les sociétés d'Etat, les fonctionnaires - ont vendu des dongs», souligne un homme d'affaires sous couvert de l'anonymat.

Les autorités sont aujourd'hui le dos au mur, avec une demande très forte du pays pour retrouver un équilibre économique. Elles «ont encore du travail pour montrer qu'elles méritent leur mandat», estime-t-il.