Hostile à toute régulation supplémentaire malgré la crise financière, la City de Londres a de nouveau sonné l'alarme contre des projets de réforme en discussion entre Européens, notamment sur les produits dérivés, qui menacent selon elle ses intérêts fondamentaux.

Porte-parole du secteur, l'Association des banquiers britanniques (BBA) a relayé ces craintes dans une lettre adressée à Michel Barnier, commissaire européen aux services financiers, à la veille d'une rencontre mardi à Luxembourg des ministres des Finances de l'UE.

Les grands argentiers vont se pencher à cette occasion sur des propositions de Bruxelles pour mieux encadrer les produits dérivés, pointés du doigt pour leur opacité durant la crise de 2008-2009 et dont la grande majorité des échanges européens s'effectue à Londres.

Une telle réforme se traduirait par une «dégradation spectaculaire en matière de choix et d'efficacité» de ces produits, met en garde la lettre rendue publique lundi par la BBA et cosignée par les responsables de plusieurs fonds d'investissement.

Bruxelles veut obliger les produits dérivés échangés de gré à gré (OTC) à passer par des chambres de compensation, des organismes qui assurent le bon déroulement des opérations et jouent le rôle de fonds de garantie.

En fait, la City soupçonne Paris et Berlin de vouloir profiter des nouvelles règles pour favoriser leurs propres activités au détriment de la place londonienne.

Sommé de réagir par le puissant lobby financier, le gouvernement du conservateur David Cameron a signifié à ses partenaires européens qu'il ne comptait pas rester sans rien faire.

Il a ainsi engagé à la mi-septembre des poursuites contre la Banque centrale européenne (BCE) pour contester un règlement obligeant les sociétés de compensation financière travaillant en euros à être basées dans un pays ayant adopté la monnaie unique. La chambre de compensation LCH.Clearnet, parmi les premières d'Europe, est basée à Londres.

La presse britannique, soulignant l'isolement du Royaume-Uni sur ces dossiers, estime probable une «défaite» mardi de M. Osborne en cas de vote, à moins qu'il n'arrive à obtenir l'ouverture de nouvelles discussions. Il pourrait notamment mettre en avant le risque de donner des arguments aux eurosceptiques britanniques, qui ont le vent en poupe avec la crise ébranlant les fondements de la zone euro.

Ce dossier de régulation financière se décide à la majorité qualifiée, privant la Grande-Bretagne de son droit de veto, une arme à laquelle elle peut en revanche recourir sur les dossiers liés à la fiscalité.

Elle pourrait s'en servir pour bloquer la taxe sur les transactions financières proposée la semaine dernière par le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, un autre projet qui fâche sérieusement la City.

«Une telle taxe fera perdre des emplois et le coût en sera supporté par l'ensemble de l'économie. L'Union européenne ferait mieux de se concentrer en ce moment sur des politiques de croissance», avait aussitôt réagi la BBA.

«Ce n'est pas une taxe européenne, mais une taxe sur la City de Londres», s'était indignée l'eurodéputée conservatrice Kay Swinburne.

Le plus grand courtier interbancaire du monde, Icap, basé à Londres, lui avait donné raison en faisant savoir sans attendre qu'il n'hésiterait pas à partir loin d'Europe si une telle taxe était adoptée.

Le ministère des Finances avait pourtant pris soin de rappeler qu'elle n'était à ses yeux envisageable que si elle était adoptée au niveau du G20, où les chances d'accord semblent par ailleurs très minces...