La dernière intervention de la banque nationale helvétique, qui érode l'attractivité du franc suisse, devrait encore conforter le statut de l'or comme valeur refuge ultime, même si les obligations d'État américaines devraient conserver leur attrait, estiment les analystes.

La banque nationale suisse (BNS) a fixé mardi un cours plancher de 1,20 franc suisse pour un euro, afin d'enrayer son renchérissement qui plombe les exportations et l'économie du pays.

Le franc suisse appartient historiquement au club restreint des actifs «refuges» censés offrir une protection en cas de gros temps sur les marchés... et qui ont grimpé de concert cet été face au yo-yo des Bourses et à la résurgence de la crise des dettes en zone euro.

Après la décision des autorités monétaires helvétiques, la devise suisse, de facto moins rémunératrice, perd au moins temporairement de son éclat.

Pour Andrey Kryuchenkob, analyste de VTB Capital, c'est l'or qui devrait en être le principal bénéficiaire.

«Dans un contexte où les inquiétudes restent vives», entre l'état de l'économie aux États-Unis et la crise endémique des dettes européennes, l'or, dont la valeur intrinsèque n'est adossée à aucun émetteur, «devrait rester l'actif chéri des investisseurs», assure-t-il.

Le métal jaune a pourtant réagi mardi de manière paradoxale: alors qu'il venait d'atteindre un nouveau sommet historique à plus de 1921 $, le prix de l'once d'or a chuté de près de 80 $ après l'annonce de la BNS.

«Des investisseurs ont préféré engranger quelques bénéfices, à la faveur d'un rebond sensible du dollar (...) mais le métal jaune devrait vite remonter», assure M. Kryuchenkov.

La perspective de nouvelles mesures de relance monétaire aux États-Unis et l'approche de la saison de Fêtes traditionnelles en Inde, qui dope la demande de bijoux du premier pays consommateur d'or, pourraient également contribuer à tirer les cours, selon les experts du Crédit Agricole.

Cependant, le marché de l'or «est minuscule par rapport au marché obligataire américain et plus encore par rapport au marché des devises», a rappelé Anne-Laure Tremblay, stratégiste chez BNP Paribas.

«Les portefeuilles d'actifs, par exemple des fonds de pensions, contiennent au maximum 5% d'or, c'est très minoritaire», comparé, par exemple, à la place des obligations d'État, a-t-elle expliqué à l'AFP.

Ainsi, la dette de l'État fédéral américain n'a jamais autant attiré: les taux des Bons du Trésor à 10 ans sont tombés mardi à leur plus bas niveau historique, bien en-dessous du seuil de l'inflation, ce qui signifie qu'ils ne rapportent rien à leur détenteurs: un signe que ces derniers préfèrent jouer la carte de la sécurité, plutôt que la rentabilité.

«Le grand avantage des obligations américaines, et que l'or ne possède pas dans une telle mesure, c'est qu'elles sont extrêmement liquides en raison de l'importance du marché obligataire», c'est-à-dire qu'elles peuvent s'échanger et se revendre beaucoup plus facilement que des lingots, a souligné Mme Tremblay.

Dans une moindre mesure, les investisseurs pourraient également choisir d'autres devises comme alternatives au franc suisse, observaient de leur côté les experts de Standard Chartered.

«La décision de la BNS pourrait profiter au yen», même si les cambistes s'interrogent sur de nouvelles mesures de la banque nationale japonaise, «mais aussi aux devises scandinaves», ont-t-ils observé.

Petite devise, mais très prisée pour sa sûreté, la couronne norvégienne est ainsi tombée mardi à son plus bas niveau en huit ans face à l'euro.