Les très riches vont être mis à contribution pour réduire la dette de la France, mais le gouvernement semble privilégier une taxe symbolique alors que de nombreux ménages aisés échappent encore en grande partie à l'impôt grâce aux innombrables niches fiscales.

Le principe d'une taxation est acquis, a-t-on affirmé à l'AFP de source gouvernementale mardi, à la veille de l'annonce du plan d'austérité français.

Dès le printemps, alors qu'il réduisait l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et abrogeait le bouclier fiscal, le gouvernement s'était engagé à taxer les rémunérations «extravagantes» de certains grands patrons.

Depuis, les experts planchent sur cette mesure, que l'exécutif, abondamment accusé par la gauche de favoriser les riches, entend mettre en exergue pour démontrer son souci de l'équité fiscale.

Dans le sillage du milliardaire américain Warren Buffett, seize très grandes fortunes françaises, dont Liliane Bettencourt, se sont dites prêtes mardi à apporter une «contribution exceptionnelle », mais «raisonnable» à la réduction de la dette.

Mais «les modalités ne sont toujours pas définies», assure-t-on à Bercy, pas plus que le taux de la nouvelle imposition, son caractère pérenne ou limité dans le temps, ou le seuil de revenus à partir duquel elle s'appliquera.

Or, selon le niveau où les curseurs sont placés, cette taxe sera cosmétique ou conséquente.

«Cacahouètes»

«La piste qui tient la corde est celle d'une taxation du bénéficiaire», explique-t-on de source gouvernementale.

Une taxation des entreprises qui distribuent des rémunérations exagérées, initialement envisagée, semble avoir été délaissée, car trop complexe et peu efficace. Exit aussi la création d'une nouvelle tranche d'impôt à 45% ou 46% pour les revenus supérieurs à 100 000 ou 150 000 euros, chère à une partie de la majorité, mais dont Nicolas Sarkozy ne veut pas.

L'hypothèse privilégiée est une nouvelle taxe visant les «ultra-riches», de 1% ou 2% sur les revenus dépassant un million d'euros par an. Cela concernerait 30.000 foyers et rapporterait 150 à 300 millions.

«C'est des cacahouètes!», s'emporte l'économiste Thibault Gajdos, directeur de recherche au CNRS. «Ce n'est pas à la hauteur des enjeux budgétaires et c'est presque pire que de ne rien faire, car le gouvernement va se donner bonne conscience pour pas cher».

Moins sévères, d'autres économistes ne débordent pas pour autant d'enthousiasme pour la mesure envisagée.

«Une telle taxe, c'est avant tout symbolique, et les symboles, c'est aussi important», estime Jacques Delpla, membre du Conseil d'analyse économique (CAE).

Même son de cloche chez Christian Saint-Étienne, professeur à Paris-Dauphine, qui y voit «une vraie taxation », mais «qui ne concerne pas grand monde et ne rapporte pas grand-chose» et s'avère donc «cosmétique».

Jacques Delpla et Christian Saint-Étienne jugent tous deux que la vraie manière de mieux taxer les ménages très aisés serait de s'attaquer frontalement aux niches fiscales, qui permettent essentiellement aux très riches d'échapper en partie, parfois totalement, à l'impôt sur le revenu.

«Les niches fiscales sont la première source d'inégalités», plaide le premier. «Il faudrait créer une sorte d'impôt minimum, de manière à ce que personne ne puisse réduire ce qu'il doit au fisc de plus de 50%», renchérit le second.

Le député UMP Jérôme Chartier a fait une telle proposition, mais elle ne semblait pas devoir être retenue par le gouvernement.

Pourtant, un récent rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, rattaché à la Cour des comptes, critiquait vivement l'impôt sur le revenu, censé être progressif, mais qui devient «dégressif» pour les quelques milliers de contribuables les plus aisés.