Face à la tourmente boursière, investir dans une oeuvre d'art peut permettre de diversifier son patrimoine, mais il faut viser la qualité et garder à l'esprit que ces biens ne peuvent pas se revendre du jour au lendemain, soulignent plusieurs acteurs du marché de l'art interrogés par l'AFP.

Alors que l'indice CAC 40 a chuté de plus de 20% depuis début juillet, Fabien Bouglé, consultant en gestion de patrimoine artistique, estime que l'art est «une valeur refuge dans le sens où c'est un bien matériel qui ne disparaît pas. Mais cela ne veut pas dire qu'une oeuvre d'art ne risque pas de perdre de sa valeur», souligne-t-il. «Le prétendre serait du charlatanisme», ajoute-t-il.

L'économiste Philippe Chalmin réfute le terme de «valeur refuge» pour les oeuvres d'art dans la mesure où elles ne sont pas liquides, contrairement à l'or, qui a franchi mardi à Hong Kong le seuil record de 1 900 dollars l'once.

«Une oeuvre d'art ne se revend pas vite. Il faut au moins six mois entre la décision de se séparer d'un tableau et son passage en vente aux enchères», selon Fabien Bouglé. Ensuite, «l'oeuvre est grillée, car les collectionneurs aiment la nouveauté. Elle doit retrouver une certaine virginité en se faisant oublier un certain temps».

Le développement des ventes d'art sur internet raccourcit toutefois nettement ces délais, souligne Thierry Ehrmann, fondateur et président d'Artprice, société spécialisée dans les données du marché de l'art.

Désir

Pour le président de la maison d'enchères Sotheby's France, Guillaume Cerutti, il est clair que «l'art n'est pas principalement un placement financier». Il ne rapporte ni intérêt ni dividende.

«Les oeuvres d'art sont des objets uniques, poursuivis par des collectionneurs d'abord pour leur plaisir. Le moteur essentiel ne doit pas être de faire une plus-value, mais le désir», souligne-t-il. L'évolution de la cote des artistes est peu prévisible dans le temps, fait-il valoir.

«Plusieurs études économiques montrent que, dans le très long terme, les oeuvres d'art qui repassent sur le marché rapportent en moyenne moins qu'un placement boursier standard», relève M. Cerutti.

Cela étant, depuis la tempête financière de 2008, «les oeuvres d'art de très grande qualité et de provenance exceptionnelle restent très demandées et ne connaissent pas la crise», souligne M. Cerutti en rappelant les records atteints en 2010 par des oeuvres de Giacometti, Modigliani ou Picasso.

«En ce sens, les chefs d'oeuvre sont des valeurs refuges, car ils transcendent la situation économique», estime M. Cerutti.

L'art contemporain récent est plus sensible aux crises. Les artistes vedettes comme Jeff Koons ou Damien Hirst, dont les oeuvres avaient atteint des sommets, ont fait les frais de la précédente bourrasque.

L'art ancien et l'art moderne s'en étaient nettement mieux sortis surtout lorsque les oeuvres étaient de qualité et de provenance impeccable.

Pour investir sans trop de risques dans l'art, mieux vaut avoir les moyens. Selon Thierry Ehrmann, les oeuvres d'art achetées plus de 50 000 euros -et mieux encore, plus de 100 000 euros- ne souffrent pas lors des crises boursières. En revanche, les oeuvres de moins de 5.000 euros peuvent se déprécier, indique-t-il.

La saison des ventes aux enchères n'a pas encore commencé et les acteurs du marché se montrent «raisonnablement optimistes», selon la formule de M. Cerutti.

«Il n'y a pas trop d'inquiétudes à avoir pour l'instant», déclare Philippe Chalmin, qui pense que le marché sera soutenu par les collectionneurs chinois et russes.