L'économie mondiale devrait échapper à la récession tant redoutée par les marchés, grâce à la bonne tenue des pays émergents, mais risque de subir un ralentissement dans le sillage de la crise d'endettement des États, estiment des économistes.

«Les perspectives de croissance sont moins favorables qu'en début d'année, mais on ne risque pas la dépression mondiale», estime l'économiste Elie Cohen, professeur à l'Institut d'études politiques (IEP) de Paris.

Et ceci uniquement parce que «quand les pays occidentaux faiblissent, ce qui est le cas actuellement, la Chine et l'Inde et autres émergents continuent à surperformer», a-t-il expliqué à l'AFP. «Personne n'envisage donc une récession mondiale, un ralentissement oui».

Mais en observant à la loupe, les États-Unis devraient connaître une année «très, très médiocre» avec une croissance autour de 1%, et la France a revu ses prévisions à la baisse (de 2,5% à 2%) mais «fera autour de 1,5%», selon M. Cohen.

La même position est défendue par la banque d'investissement Natixis qui estime que «l'on n'est pas à la veille d'une déflation (spirale baissière des prix ndlr) ou d'une récession mondiale» mais d'un «ralentissement de l'activité mondiale».

Le Fonds monétaire international (FMI) a prévu en juin une croissance mondiale pour 2011 de 4,3% et de 2,0% pour la zone euro.

«Au niveau local, il y a des pays qui carburent», a commenté à l'AFP René Defossez, économiste chez Natixis. «Nous n'anticipons pas une récession aux États-Unis, ni en zone euro, ni au niveau mondial».

Selon lui, l'accumulation de mauvaises nouvelles aux États-Unis (croissance, emploi, marché immobilier) signifie qu'il «n'y a aucune chance d'avoir une croissance satisfaisante pour stabiliser la dette» notamment.

Un accord a été trouvé in extremis début août après d'intenses tractations entre Républicains et Démocrates pour relever le plafond de la dette des États-Unis, leur évitant de justesse un défaut de paiement.

Mais ils n'ont pas échappé à la sanction de l'agence de notation Standard and Poor's, qui les a privés vendredi soir de leur «AAA», la meilleure note en matière de dette à long terme. Une décision attendue avec appréhension qui a aggravé la chute vertigineuse des Bourses mondiales, qui avait débuté une dizaine de jours auparavant.

Paris a perdu 18,67% en onze séances de baisse consécutive. Sur une semaine, Londres a perdu un peu plus de 15%, Francfort près de 19% et New York près de 12%. A la limite du krach.

Car la situation outre-Atlantique a ajouté aux inquiétudes concernant la zone euro, où le problème d'endettement affecte déjà plusieurs États (Grèce, Italie, Espagne) et crée des dissensions dans l'Union.

Du coup, le spectre de la récession a refait son apparition dans les salles de marché.

«On peut avoir une récession mais elle ne sera pas extrêmement profonde et durable», a estimé Renaud Murail, gérant d'actions chez Barclays Bourse, prévoyant «une rechute ponctuelle des indicateurs économiques aux États-Unis et en Europe entre fin 2011 et mi-2012».

«Mais ça ne va pas déboucher sur la théorie du chaos comme certains l'évoquent» car les pays émergents «ont encore des taux de croissance assez ahurissants», a-t-il relevé.

Pour Jean-Paul Betbèze, directeur des études économiques du Crédit Agricole, la solution au problème d'endettement des États passe par «des assainissements budgétaires qui pèseront partout sur la croissance, (...) en particulier aux États-Unis».

«Nous sommes partis sur des années de croissance moyenne, très moyenne», prévient-il, estimant qu'outre la réduction des dépenses publiques, des augmentations d'impôts et/ou des «rabotages de niches» fiscales sont incontournables en France.