L'Europe a engagé mercredi un bras de fer avec les agences de notation et plaidé pour la création d'un organisme européen de ce type au lendemain de la dégradation spectaculaire du Portugal, qui risque d'aggraver la crise de la dette en zone euro.

En reléguant mardi soir la note du Portugal en catégorie spéculative, Moody's a désigné le pays comme nouveau maillon faible de la zone euro, alors que tous les regards étaient jusque-là braqués sur la Grèce.

L'agence de notation estime que Lisbonne, comme son voisin grec, pourrait avoir besoin d'un deuxième plan d'aide avant de retourner sur les marchés. La réaction des marchés ne s'est pas faite attendre: sur le marché de la dette, les taux exigés du Portugal ont atteint de nouveaux records, à près de 12%, rendant encore moins évident l'accès au marché du pays à moyen terme.

Cette décision a suscité l'ire des Européens, alors que le Portugal montre des gages de bonne volonté et a présenté la semaine passée un plan d'austérité jugé ambitieux.

«Cette dégradation n'est pas basée sur le fait que le Portugal ne fait pas son travail de réformes mais sur l'hypothèse que le pays va à nouveau avoir besoin d'aide. Voyez-vous la folie de cette prophétie auto-réalisatrice?» s'est insurgé le ministre grec des Affaires étrangères, Stavros Lambrinidis.

«Cet épisode malheureux soulève une fois de plus la question du comportement des agences de notation et de leur soi-disante clairvoyance», a estimé pour sa part le porte-parole de l'exécutif européen pour les questions économiques, Amadeu Altafaj.

Conséquence: le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble a déclaré qu'il fallait «briser l'oligopole des agences de notation» et «limiter leur influence», tandis que le président de l'exécutif européen, José Manuel Barroso a été plus loin en se prononçant indirectement pour la création d'une agence de notation basée en Europe.

«C'est au marché qu'il appartient de décider», mais il me semble étrange qu'il n'y ait pas une seule agence venant d'Europe», a-t-il indiqué, accusant celles qui ont aujourd'hui pignon sur rue d'avoir «un parti pris» contre l'Europe.

Accusées de faire la loi sur la planète financière mondiale, les trois grandes agences de notation sont toutes anglo-saxonnes: Moody's, Standard and Poor's et Fitch (qui appartient toutefois à un groupe français, Fimalac).

En début de semaine, c'est Standard and Poor's qui a provoqué la colère d'Angela Merkel. L'agence a rejeté les plans européens à l'étude pour faire contribuer les banques et fonds d'investissement à un nouveau plan de sauvetage de la Grèce, en jugeant qu'ils «conduiraient probablement à un défaut de paiement, que tentent à tout prix d'éviter les Européens.

«Il est important que nous (...) ne nous laissions pas priver de notre liberté de jugement», avait jugé la chancelière allemande.

À la suite de la crise financière, l'Europe a adopté dès 2009 deux législations visant à renforcer la régulation des agences de notation, les obligeant notamment à s'enregistrer et à respecter certaines règles pour pouvoir exercer dans l'UE, et les plaçant sous le contrôle direct de l'Autorité européenne des marchés financiers.

Bruxelles a annoncé l'année dernière préparer un tour de vis supplémentaire, pour répondre notamment aux problèmes liés à l'évaluation de la dette des États, mis en avant lors de l'éclatement de la crise grecque.

Trouver une solution risque toutefois de ne pas être évident. Les agences de notation sont en même temps «incontournables pour obtenir le triple A», dont a besoin l'UE et ses mécanismes financiers venant en aide aux pays en difficulté, a relevé mercredi une source européenne.