La menace d'un retour de l'économie irlandaise dans la récession s'est éloignée jeudi, le pays ayant renoué officiellement avec la croissance au début de l'année, mais ce rebond repose quasi-entièrement sur les exportations et l'Irlande reste loin d'être tirée d'affaire.

Les statistiques publiées ce jeudi par l'Office central des statistiques, le CSO, sont venues confirmer que l'ex-Tigre celtique s'est transformé en économie à deux vitesses.

D'un côté, le produit intérieur brut (PIB), mesure la plus complète de l'activité économique, s'est redressé nettement après une rechute brutale fin 2010. Il a rebondi de 1,3%, contre un recul de 1,4% au trimestre précédent.

Cette remontée a permis au pays, confronté à une grave crise financière, économique et budgétaire, d'échapper à un retour dans la récession. Elle a été mise sur le compte d'un bond de plus de 20% de l'excédent du commerce extérieur par rapport à un an plus tôt.

Mais à l'inverse, le produit national brut (PNB), mesure de l'activité économique jugée plus fidèle que le PIB par les autorités car il exclut les bénéfices réalisés par les très nombreuses entreprises étrangères installées dans l'île, a subi une dégringolade de 4,3% sur le trimestre, après une hausse de 0,3% fin 2010, d'après le CSO.

Ce grand écart entre PIB et PNB s'explique par le fait que la croissance du premier indicateur est due quasi-entièrement à la bonne santé des multinationales exportatrices, soutenues par la reprise économique mondiale, tandis que les entreprises irlandaises, très dépendantes d'une consommation intérieure déprimée depuis plusieurs années par une succession de plans d'austérité et une grave crise immobilière, continuent à broyer du noir.

Les économistes ont toutefois jugé ces chiffres plutôt encourageants. Selon Elsa Lignos, analyste à la Banque royale du Canada (RBC), ils constituent «un pas dans la bonne direction» pour rassurer les marchés financiers, alors que la Grèce exacerbe leur méfiance vis-à-vis des économies dites «périphériques» de la zone euro.

«Ces chiffres suggèrent que l'Irlande n'est pas dans une situation aussi désespérée que la Grèce», a abondé Ben May, du cabinet Capital Economics. «Cependant, le pays doit encore remonter une pente immense et ne pourra pas emprunter sur les marchés financiers avant des années», a-t-il tempéré.

Les annonces du CSO font suite au satisfecit adressé ce mois-ci par le Fonds monétaire international (FMI) au gouvernement irlandais. L'institution avait jugé que le programme du gouvernement pour redresser la situation avait pris un bon départ.

Et ces données vont apporter de l'eau au moulin du Premier ministre Enda Kenny, qui espère parvenir prochainement à renégocier le plan d'aide international conclu l'an dernier par son prédécesseur Brian Cowen.

Enda Kenny bataille depuis son arrivée au pouvoir cet hiver pour obtenir une diminution du taux d'intérêt des prêts accordés par l'Union européenne et le FMI. Mais il s'est heurté jusqu'ici à l'intransigeance de plusieurs pays dont la France, qui exigent en échange que Dublin augmente son très faible impôt sur les sociétés.

L'Irlande pourra donc continuer à plaider, chiffres du CSO à l'appui, que le maintien d'une faible fiscalité des entreprises est essentiel à son rétablissement. C'est d'ailleurs ce qu'a rappelé jeudi la ministre déléguée aux affaires européennes Lucinda Creighton. «Nous ne sommes pas près de céder là dessus. Cette question est bien trop cruciale pour notre économie», a-t-elle martelé sur la radio RTE.