La candidature de l'Israélien Stanley Fischer au poste de directeur général du Fonds monétaire international est venue modifier la donne, posant la question de l'attitude des États-Unis face à un de leurs ressortissants.

M. Fischer, gouverneur de la Banque d'Israël, a rendu sa candidature publique samedi. Il l'a vraisemblablement posée au dernier moment, puisque le FMI avait clos les candidatures la veille au soir.

Interrogé lundi, le Fonds n'a pas confirmé ni infirmé cette candidature. La liste officielle doit être rendue publique «en début de semaine».

M. Fischer a face à lui deux candidats déclarés: son homologue mexicain Agustin Carstens et la ministre de l'Economie française Christine Lagarde.

Ce natif de la capitale zambienne Lusaka, fils d'un Juif letton qui a fui l'Union soviétique dans les années 20 pour la Rhodésie du Nord, n'est devenu Israélien qu'il y a six ans. En revanche, il est Américain depuis plusieurs décennies, après être venu étudier aux États-Unis dans les années 60.

Le hasard veut qu'il ait supervisé la thèse en économie du vice-gouverneur des États-Unis au FMI, qui est aujourd'hui le président de la Réserve fédérale, Ben Bernanke. Il connaît aussi très bien le gouverneur actuel, à savoir le secrétaire au Trésor Timothy Geithner.

Mais cela ne lui garantit pas le soutien de son deuxième pays.

Il ne l'avait pas obtenu en 2000, époque où des pays africains voulaient le voir succéder au Français Michel Camdessus: les États-Unis avaient favorisé le candidat allemand. Et le plus probable est qu'ils soutiennent une nouvelle fois l'Europe, qui a la mainmise sur le poste depuis 1946.

Interrogé sur la candidature de M. Fischer, le département du Trésor n'a fait aucun commentaire.

«Il y a peu de chance que les États-Unis militent activement pour lui puisqu'ils sont plus intéressés par l'idée de garder le poste de numéro deux au Fonds, que par celle de soutenir la candidature Fischer comme numéro un, d'autant qu'il part de loin», explique à l'AFP Eswar Prasad, ancien du FMI et professeur d'économie à l'université de Cornell.

M. Fischer a un handicap: à 67 ans, il a dépassé l'âge limite pour le poste. Si les États membres voulaient le désigner, ils devraient d'abord amender le règlement du FMI, ce qui peut être fait relativement vite. Mme Lagarde, 55 ans, et M. Carstens, 53 ans, n'ont pas ce problème.

Pour Mark Weisbrot, économiste du Center for Economy and Policy Research, «ce serait de la folie» pour les États-Unis de soutenir un de leurs ressortissants, qui de plus fut le numéro deux du FMI (de 1994 à 2001) à une époque où les interventions de l'institution en Asie ou en Russie ont laissé de très mauvais souvenirs.

«Je suis sûr qu'il a des soutiens. Il a des contacts en Afrique, d'où il vient. Il est bien introduit à Washington. C'est concevable qu'il fasse du bruit, mais pas qu'il gagne», prédit ce spécialiste du Fonds.

Edwin Truman, qui a conseillé le gouvernement de Barack Obama à ses débuts en 2009 sur le FMI, est plus mitigé.

«Le critère qu'ont mis en avant les Etats-Unis, c'est qu'ils souhaitent soutenir un candidat qui a un soutien large. Ils n'ont aucun intérêt à exprimer leur préférence immédiatement. Mon impression est qu'ils vont attendre de voir si des pays émergents se rangent aux côtés de Fischer ou Carstens», estime cet ancien économiste de la Fed aujourd'hui expert au Peterson Institute, un centre de recherche de Washington.