Le bras de fer qui oppose les pays membres de la zone euro et la Banque centrale européenne (BCE) sur le rééchelonnement possible de la dette grecque amène investisseurs et agences de notation de crédit à douter d'une solution sans nouvelle crise financière.

L'avertissement lancé hier par l'agence Moody's sur les conséquences d'une éventuelle défaillance d'Athènes à honorer sa dette est de nature à confondre les irréductibles optimistes.

Depuis avril, Moody's note B1 la dette grecque, avec perspective négative. Cette note de crédit est de qualité spéculative (junk).

«Depuis l'annonce du plan de sauvetage de la Grèce en mai 2010, son risque de défaillance a continué d'augmenter à cause d'une croissance plus faible que prévu, de la non-atteinte des cibles de consolidation de dette, de manifestations politiques grandissantes contre les mesures d'austérité prévues, de la baisse de confiance des marchés et de leur accessibilité et des messages de plus en plus équivoques des appuis de la Grèce», explique l'agence.

Ce dernier élément est particulièrement inquiétant.

Réunis la semaine dernière à Bruxelles pour tenter encore de dénouer l'impasse fiscale du pays du bouzouki, les membres de la zone euro ont évoqué la possibilité d'un rééchelonnement de sa dette ou d'une diminution des intérêts à payer sur les emprunts contractés.

Si la Grèce devait emprunter sur les marchés ces jours-ci, il lui faudrait consentir des taux quasi usuraires de 17% pour une échéance de 10 ans et de plus de 22% pour deux ans.

L'avantage d'une restructuration légère est de gagner du temps pour permettre à Athènes de réaliser un ambitieux programme susceptible de réduire sa dette qui équivaut à plus de 150% de la taille de son économie. Cela permettrait aussi aux banques grecques et européennes, qui détiennent une bonne partie de sa dette, de chercher à se recapitaliser. Enfin, d'autres pays fragilisés comme l'Irlande, le Portugal, voire l'Espagne profiteraient d'un délai dans la mise en place de leur propre plan d'austérité pour éviter le sort de la Grèce.

La réaction des marchés financiers sera en revanche imprévisible et incontrôlable, objectent les opposants de cette voie non balisée.

L'Union européenne, de concert avec le Fonds monétaire international, a avancé 110 milliards d'euros (un euro égale 1,38$) à la République hellène. La somme est assortie de conditions draconiennes pour qu'Athènes réduise considérablement son déficit, mais le gouvernement n'a pas atteint ses cibles jusqu'ici.

Les nouvelles mesures annoncées lundi par le premier ministre, Georges Papandréou, représentent des coupes budgétaires égales à 2,8% du produit intérieur brut (PIB) grec. Elles ramèneraient le déficit à l'équivalent de 7,5% du PIB cette année. Le plafond réglementaire de la zone euro est de 3%.

Les mesures prévoient aussi la vente des participations importantes de l'État dans des entreprises de services publics. Elles ont été accueillies par un appel à une grève générale de 24 heures en juin.

La réaction peut-être la plus sombre est venue cependant du gouverneur de la Banque de France et membre du conseil de la BCE. «Le rééchelonnement pose des questions très difficiles. Il y a de fortes chances que cela équivaille à une défaillance», a déclaré Christian Noyer hier à Paris.

À ses yeux, outre d'importantes privatisations, la Grèce doit diminuer ses coûts de production, ce qui revient à une dévaluation interne.

D'autres ténors de la BCE suggèrent qu'un rééchelonnement pourrait conduire la BCE à refuser en nantissement les obligations grecques. Or, les banques grecques ne parviennent toujours pas à se financer sur les marchés. Elles doivent frapper à la BCE pour obtenir du crédit.

Seulement en mars, elles ont emprunté pour un maximum de trois mois 87,9 milliards d'euros à la BCE en cédant en pension des obligations souveraines grecques.

Les banques allemandes, belges, françaises et néerlandaises détiennent aussi de gros paquets d'obligations grecques, mais elles parviennent à se financer sur les marchés. Tout rééchelonnement ou, pire, dépréciation de la valeur nominale des titres grecs affecterait leur capitalisation.

C'est sans compter qu'elle fragiliserait aussi la BCE qui a acheté pour 76 milliards d'obligations de ses pays membres en difficulté depuis un an.

Et les nouvelles ne sont pas bonnes ailleurs avec la récente mise sous surveillance de la note de crédit de l'Italie, dont la dette est plus élevée que la taille de son économie, et de la Belgique, sans gouvernement depuis 11 mois.

L'austérité n'est pas non plus garante de succès. L'économie britannique stagne depuis six mois, alors que la réduction de son déficit va moins vite que prévu, faute de rentrées fiscales suffisantes et de difficultés à réaliser les coupes annoncées.