Joao, Alexandre et Paula sont jeunes et précaires comme beaucoup d'autres au Portugal. En mars, cette «bande de copains» a donné voix à toute une «génération galère» qui, à leur appel, est descendue dans la rue en masse pour crier son malaise.Sur une terrasse du vieux quartier lisboète d'Alfama, «au fil d'une conversation comme tant d'autres», ils ont décidé d'appeler via Facebook à un «soulèvement spontané» qui a rassemblé le 12 mars plusieurs centaines de milliers de personnes au pays.

Et aujourd'hui, de nombreux jeunes Espagnols, qui manifestent depuis une semaine sur la place Puerta del Sol à Madrid, disent avoir été influencés par la mobilisation des précaires portugais.

«Je ne pensais pas que nous pouvions rassembler autant de monde, même si la précarité touche beaucoup de gens au Portugal, et pas seulement les jeunes et les diplômés», reconnaît Paula Gil, stagiaire dans une ONG de coopération pour le développement.

À 27 ans, Paula n'a jamais connu d'emploi stable. «Je bosse depuis mes 18 ans, j'ai payé mes études, je suis partie en Angleterre et au Luxembourg pour travailler dans des centres d'appel, j'ai travaillé gratuitement rien que pour accumuler de l'expérience. Et aujourd'hui encore, quand je tombe malade, on me coupe mon salaire», dit-elle

«Au Portugal, la moitié de la population active est au chômage ou précaire», résume Joao Labrincha, chômeur de 28 ans, «extrêmement frustré» de dépendre encore à 28 ans de ses parents.

«Solidaires» avec le mouvement espagnol, les animateurs de la «génération galère» participent chaque soir, depuis vendredi, à une «assemblée populaire» qui réunit quelques dizaines de jeunes sur la place du Rossio, en plein coeur de Lisbonne.

Comme à la Puerta del Sol en début de semaine dernière, un petit campement y a été monté autour d'une statue couvertes de pancartes et banderoles: «La révolution est là et elle a besoin de toi», «La vie, c'est pas que l'argent, nous voulons du changement»...

«On est en contact avec les manifestants espagnols pour voir comment on pourrait conjuguer nos efforts. Si nous luttons tous ensemble, nous serons plus forts et notre voix se fera davantage entendre», dit Paula.

Depuis les manifestations de mars, Joao, Paula et Alexandre, qui se sont rencontrés pendant leur licence en relations internationales à l'Université de Coimbra, ont créé le «Mouvement du 12 mars».

Toujours «informel et sans hiérarchie», ce mouvement citoyen se veut «une plate-forme pour ceux qui veulent renforcer notre démocratie, un régime jeune et précaire qui n'a que 37 ans», explique Joao, cheveux rasés et barbe de trois jours.

Après avoir lancé une pétition en faveur d'une loi contre la précarité, ils ont interrogé les candidats aux législatives anticipées du 5 juin afin de publier la position des différents partis sur les sujets qui inquiètent la jeunesse.

«Pour moi, le plus important c'est de créer une opinion publique informée et consciente, qui sache se battre pour ses droits», affirme Paula.

Tout en affichant leur «indépendance» politique, les trois jeunes se disent opposés au plan de sauvetage financier négocié ce mois-ci par le gouvernement socialiste démissionnaire avec l'UE et le FMI.

«Il suffit de voir ce qui s'est passé en Grèce puis en Irlande pour savoir que les politiques d'austérité ne feront qu'aggraver la situation économique», affirme Alexandre Carvalho, 25 ans.

Et, s'inquiète ce chercheur boursier en sciences politiques, «si le plan échoue, à qui peut-on demander des comptes? Aux représentants de l'UE et du FMI qui n'ont pas été élus? Au gouvernement démissionnaire qui les a appelés?»