Dominique Strauss-Kahn, qui a démissionné jeudi de son poste de directeur général du Fonds monétaire international, a marqué l'histoire de l'institution, pour le meilleur en la modernisant et pour le pire en finissant son parcours incarcéré.

L'ancien ministre des Finances français a présenté jeudi au conseil d'administration une démission qui paraissait inévitable, dans une lettre écrite depuis la prison de Rikers Island à New York.

«C'est avec une infinie tristesse que je me vois obligé aujourd'hui de proposer au conseil d'administration ma démission de mon poste de directeur général du FMI», a-t-il écrit, dans sa première déclaration publique depuis son interpellation jeudi dans une affaire de crime sexuel.

«Je veux préserver cette institution que j'ai servie avec honneur et dévouement, et surtout, surtout, je veux consacrer toutes mes forces, tout mon temps et toute mon énergie à démontrer mon innocence», a-t-il ajouté.

L'histoire retiendra probablement les images d'un puissant de ce monde entouré de deux policiers à la sortie d'un commissariat.

Depuis sa prise de fonctions en novembre 2007, M. Strauss-Kahn, 62 ans, n'a pourtant pas ménagé sa peine pour ce qu'il pensait être le bien de l'économie mondiale.

Arrivé alors dans une institution qui s'interrogeait sur son avenir, et que beaucoup dénonçaient comme inutile et néfaste, il eut pour première tâche de remotiver ses troupes, tout en menant une restructuration.

Il laisse à son successeur un FMI complètement rajeuni, puissant, et de nouveau craint. «Le FMI est clairement devenu l'institution internationale la plus importante aujourd'hui», affirme à l'AFP l'économiste américain Colin Bradford.

Sur la scène diplomatique et financière, M. Strauss-Kahn a donné sa pleine mesure d'économiste curieux intellectuellement et ouvert à toutes les audaces, doublé d'une habileté politique qui lui a attiré des éloges venus du monde entier.

«La crise financière a donné au Fonds une occasion de commencer à réaffirmer sa place dans le monde, et M. Strauss-Kahn a saisi cette occasion», écrivait mardi le directeur général du fonds obligataire Pimco, Mohamed El-Erian, un ancien économiste du FMI.

En janvier 2008, alors que cette crise était décrite comme bénigne par les gouvernements, il appelait les grandes économies de la planète à mettre en oeuvre des plans de relance, brisant la tradition du poste.

M. Strauss-Kahn, voyageur infatigable, aura oeuvré sans relâche pour diversifier les points de vue au sein d'une institution emblématique du capitalisme occidental. Au point de déclarer, en avril 2011, la mort du «consensus de Washington», cet ensemble de doctrines libérales.

Parmi les pères fondateurs de l'euro, il fut aussi en première ligne quand l'union monétaire était menacée par la crise de la dette publique, militant pour la solidarité entre gouvernements. Son rêve d'une autorité budgétaire européenne qui organiserait cette solidarité sur le long terme risque aujourd'hui de ne pas se réaliser.

Son style plaisait non seulement aux ministres des Finances et banquiers centraux, mais aussi aux électeurs français. Dès 2009, ils le désignaient dans les sondages comme favori de l'élection présidentielle du printemps 2012.

Cette ambition a été brisée net.

L'héritage de «DSK» devrait cependant laisser une trace indélébile. Tous ceux qui ont applaudi son discours de «protection des plus vulnérables» et de lutte contre les inégalités toléreraient mal de son successeur un retour aux discours anciens de l'«ajustement structurel».