La succession de Dominique Strauss-Kahn à la tête du Fonds monétaire international (FMI) n'est pas encore officiellement ouverte que déjà l'Allemagne a fait valoir lundi la prérogative de l'Europe de conserver ce poste stratégique.

«Dans cette phase, il y a de bonnes raisons pour dire que l'Europe a de bons candidats», a ainsi déclaré la chancelière Angela Merkel alors que le directeur général français du FMI, inculpé pour agression sexuelle, attendait lundi d'être présenté à un juge new-yorkais.

La chancelière a beau assurer qu'il est «important de ne pas prononcer des accusations» et son porte-parole juger que «toute discussion sur un successeur est hors de propos», l'Allemagne, en ouvrant les hostilités dans la bataille à la succession, a bel et bien enterré l'actuel chef du FMI.

L'argument allemand: la crise de la dette qui agite l'Europe depuis maintenant un an accapare tant le FMI, co-architecte et co-financier des aides mises en place pour les pays en difficulté, qu'il serait logique qu'un Européen s'attelle de nouveau à la tâche.

L'Allemagne, première économie européenne, est le plus gros contributeur aux aides accordées à la Grèce, à l'Irlande et au Portugal. Face à une opinion publique très réticente, Berlin a tout intérêt à ce que la crise soit jugulée le plus rapidement possible. Et considère que «dans la situation actuelle», c'est un Européen qui s'acquitterait le mieux de cette tâche.

Depuis sa création en 1944, le FMI a toujours été dirigé par un Européen, la présidence de la Banque mondiale revenant à un Américain. Mais cette répartition est de plus en plus contestée dans les pays émergents, dont l'importance pour l'économie mondiale n'a cessé de croître.

«À l'heure actuelle ce ne sont pas les économies les plus dynamiques qui sont aux manettes», fait remarquer Sylvain Broyer, économiste de Natixis, «ce serait bien maintenant de tendre la main aux émergents».

Sous la présidence de M. Strauss-Kahn, le FMI a d'ailleurs entrepris de se réformer, vers une plus grande représentativité des pays émergents. Mais de là à leur confier la direction, le pas est de taille et l'Allemagne n'est manifestement pas disposée à le franchir.

À priori, il ne s'agit pas pour elle de pousser un candidat allemand.

L'Allemagne «a eu un président du FMI il n'y a pas si longtemps», Horst Köhler (2000-2004), «elle n'a donc pas les meilleures cartes pour remporter ce poste», juge M. Broyer.

D'ailleurs, Berlin n'avait pas de candidat pour le poste à pourvoir cette année de président de la Banque centrale européenne (BCE), et n'en aurait pas forcément plus pour celui de chef du FMI.

Mais l'attribution du poste à un Européen peut lui donner une marge de manoeuvre supplémentaire dans le marchandage qui préside à l'attribution des postes en Europe.

«Là où nous présentons de bons candidats pour un poste à pourvoir en Europe, nous Allemands avons l'impression qu'il ne manque pas de majorité pour eux», avait déclaré la semaine dernière un porte-parole de Mme Merkel, interrogé sur la contrepartie exigée par l'Allemagne pour son soutien à l'Italien Mario Draghi comme futur président de la BCE.

La chancelière, après s'être fait un peu prier, a fini par apporter son appui à l'Italien. Qu'elle aurait initialement préféré, selon la presse de son pays, voir prendre la tête... du FMI.

Lundi M. Draghi, quasi assuré dorénavant d'arriver à ses fins à la BCE, s'est empressé de faire savoir qu'il n'avait aucune intention de partir à Washington, même si le tabloïd allemand Bild le voyait déjà faire ses valises.