La succession de Dominique Strauss-Kahn à la tête du Fonds monétaire international est déjà discutée en coulisse, sachant qu'il lui reste moins de trois mois à la tête de l'institution s'il vise l'élection présidentielle en France.

Le conditionnel reste de mise: «DSK» démissionnerait de son poste d'ici au 13 juillet s'il briguait l'investiture du Parti socialiste. Mais le FMI et son directeur général ont beau esquiver toute question sur le sujet, les préparatifs d'un retour à Paris sont de plus en plus voyants.

Depuis quelques semaines, la presse du monde entier spécule moins sur la question du départ du directeur général du FMI que sur le nom de son remplaçant.

Celui de l'ancien premier ministre britannique Gordon Brown circulait depuis une défaite électorale il y a un an. Son successeur David Cameron en a d'ores et déjà écarté l'idée: «Il est peut-être temps d'avoir un candidat d'une autre partie du monde» que l'Europe, a-t-il dit sur BBC le 19 avril, évoquant «la montée de l'Inde, de la Chine et de l'Asie du Sud-Est».

Il donnait ainsi du crédit à une hypothèse qui revient avec insistance: le prochain directeur général devrait venir d'Asie, continent qui représente aujourd'hui plus de 35% de l'économie mondiale, contre moins de 25% il y a un quart de siècle.

L'Europe monopolise le poste depuis 1946, avec le soutien des États-Unis, premier actionnaire.

D'après le Canard Enchaîné, la Chine et l'Inde font campagne auprès de Washington. Mais les États-Unis veulent d'abord savoir si M. Strauss-Kahn part ou non.

«Il y a des noms qui circulent», indique à l'AFP Eswar Prasad, professeur d'économie à l'université américaine de Cornell et fonctionnaire au FMI entre 1990 et 2006. Il confirme que ces deux puissances émergentes sont au coeur des discussions.

La presse indienne parle de deux hommes qui chercheraient à se placer comme candidat officiel de New Delhi: le gouverneur de la banque centrale Duvvuri Subbarao, et le directeur adjoint du Commissariat au Plan Montek Singh Ahluwalia. Ce dernier «fait partie des quelques personnes qui ont une stature internationale», indique à l'AFP M. Prasad, ancien conseiller du gouvernement indien.

Pékin, qui prépare pour 2012 un renouvellement de ses dirigeants, n'a pas avancé de candidat. «Il sera intéressant de voir la réaction des États-Unis si la Chine pousse pour obtenir la direction du FMI», note l'économiste.

Il imagine un compromis où la Chine obtiendrait, à côté des États-Unis, un poste de premier directeur général adjoint.

Un tel compromis pourrait profiter au président du Comité monétaire et financier international (CMFI), l'instance qui décide des orientations politiques du FMI, Tharman Shanmugaratnam, ministre des Finances de Singapour. «Il a toutes les qualités demandées: il est Asiatique, il a la crédibilité, et il plairait au secteur financier et aux États-Unis», remarque M. Prasad.

«Il y a plein de gens excellents qui sont là» à viser le poste, affirme à l'AFP Colin Bradford, économiste spécialiste des institutions internationales.

Il cite notamment le Turc Kemal Dervis, ancien ministre des Finances et ancien administrateur du Programme des Nations Unies pour le développement, et l'ancien ministre des Finances sud-africain Trevor Manuel.

Pour lui, «c'est un moment très important. Allons-nous devenir sérieux et donner à cette institution la direction nouvelle dont elle a besoin pour réellement se mondialiser, ou retourner aux jeux politiques du passé?», s'interroge-t-il.