L'agence de notation Fitch Ratings a pris le contre-pied mardi de l'euphorie entourant la spectaculaire croissance chinoise, en soulignant que la deuxième économie mondiale n'était pas à l'abri d'une crise bancaire provoquée par la montée des crédits non remboursés.

Fitch a annoncé avoir revu de «stable» à «négative» la perspective d'évolution de la note de la Chine, pour sa dette libellée en monnaie locale.

La dette en yuan de la Chine est notée actuellement «AA-», soit la quatrième meilleure note possible dans la classification de Fitch. Elle est supérieure d'un cran à celle de la dette en devises du pays («A+»), sur laquelle se focalisent plus généralement les investisseurs.

Du fait de ses immenses réserves de changes de 2800 milliards de dollars, la Chine paraît pratiquement invulnérable aux chocs venus de l'extérieur. Mais pour Fitch, les problèmes à venir se nichent au coeur même du pays.

«La croissance rapide du recours au crédit, l'augmentation marquée des prix immobiliers et, plus récemment, l'émergence de pressions inflationnistes ont (...) accru les risques pesant sur la stabilité macroéconomique, tout en accroissant l'importance des engagements liés au secteur bancaire et aux administrations locales», fait remarquer l'agence dans un communiqué.

Des trois grandes agences de notation, Fitch est la seule à se montrer aussi négative sur le géant chinois.

Moody's note le pays «Aa3» (une note correspondant au «AA-» de Fitch), mais avec une perspective positive. Standard & Poor's a relevé sa note en décembre pour la porter à «AA-» (pour la note en devise comme pour la note en monnaie locale) avec perspective «stable».

«Cette perspective négative reflète nos préoccupations devant l'importance des engagements potentiels (du pays) et les risques pour la stabilité macroéconomique résultant du rythme très rapide du crédit bancaire ces dernières années, surtout au regard de l'augmentation des prix immobiliers et de l'inflation», a noté Andrew Colquhoun, responsable chez Fitch de la notation des États pour la région Asie-Pacifique, cité dans le communiqué.

Fitch estime que la Chine va devoir soutenir dans une certaine mesure son système bancaire, le troisième au monde par l'importance de ses actifs. Celui-ci représente déjà 140% du produit intérieur brut, contre 111% en 2008.

L'agence de notation prédit pour les trois prochaines années une augmentation de la proportion de crédits risquant de n'être jamais remboursés.

Officiellement, ces crédits douteux ne représentaient que 1,1% de l'encours total des crédits bancaires fin 2010. Fitch estime pour sa part que le chiffre réel est plus proche de 6%, soit à peu près la proportion que le système bancaire serait capable d'absorber sans aide extérieure.

Fitch évoque une proportion de crédits douteux pouvant atteindre 15% à 30%. L'apurement du système financier nécessiterait dans ce cas des sommes gigantesques, représentant de 10% à 30% du PIB chinois.

Parmi ses autres craintes, l'agence mentionne aussi le poids du secteur du bâtiment, qui génère 10% du PIB, et la relance de l'inflation, qui atteignait 4,9% en février, alimentée pour partie par une politique monétaire encore laxiste en dépit de ses récents resserrements.