La cuisine britannique n'a pas très bonne réputation. Et la recette concoctée par le gouvernement britannique pour sortir le pays de la récession ne fera rien pour changer cette perception.

Après la crise du crédit qui a précipité l'économie mondiale en récession, la Grande-Bretagne s'est retrouvée face à des choix douloureux. Il fallait relancer l'économie et réduire le déficit, parce que les agences de crédit menaçaient d'abaisser son enviable cote triple A.

Le gouvernement nouvellement élu de David Cameron a réagi par un plan d'austérité sans précédent depuis la guerre. Il a réduit les dépenses publiques et augmenté les impôts directs et indirects de façon draconienne. Un demi-million d'emplois dans le secteur public ont été sacrifiés. Les droits de scolarité ont augmenté, l'âge de la retraite aussi. Rien n'a été épargné, pas même les vaches sacrées que sont la famille royale et la BBC.

Même Margaret Thatcher, dans ses rêves les plus fous, n'en aurait pas espéré autant, avait dénoncé la gauche britannique lors du dépôt de ce plan d'austérité l'automne dernier.

Le pays s'enfonce

Le Royaume-Uni n'est pas l'Irlande, encore moins la Grèce ou le Portugal. Son gouvernement n'était pas acculé au mur.

Il a néanmoins choisi d'entreprendre un sérieux virage pour réduire le déficit de 10% à 1% du produit intérieur brut en cinq ans et sortir la Grande-Bretagne de la «zone de danger» dans laquelle elle se trouve, selon les mots du ministre des Finances, George Osborne.

Depuis, le pays s'est enfoncé encore plus profondément dans la zone de danger. Alors que l'impact des réductions des dépenses gouvernementales et des hausses d'impôt commence à peine à se faire sentir dans l'économie réelle, le déficit continue de se creuser et le chômage d'augmenter.

Pendant ce temps, aux États-Unis, où la crise a frappé encore plus fort, on a fait un choix différent. On a ouvert les vannes et soutenu massivement l'économie à genoux.

Ce fut long et pénible, mais le patient américain se remet lentement. Au prix d'une augmentation importante du déficit, le taux de chômage se stabilise et les principaux indicateurs économiques pointent enfin dans la bonne direction.

En Grande-Bretagne, le remède utilisé semble au contraire avoir fait plus de mal que de bien, ce que le budget du chancelier de l'Échiquier, comme on appelle le ministre des Finances du Royaume-Uni, a reconnu la semaine dernière.

Menace de décote

George Osborne a dû faire un pas en arrière, notamment en augmentant la part des revenus exemptés d'impôt et en diminuant le fardeau fiscal des entreprises, mais ce sera probablement bien insuffisant pour compenser l'effet négatif qu'auront les coupes dans l'économie.

Son budget de la croissance, comme il l'a baptisé, n'a convaincu personne. Pas même les agences de crédit qu'il voulait amadouer. Immédiatement après le dépôt du budget, Moody's a encore une fois brandi la menace de décote, parce que les prévisions de croissance du gouvernement lui semble trop optimistes.

Les contribuables britanniques, de leur côté, sont redescendus dans la rue samedi pour protester contre les coupes gouvernementales. Ils trouvent la sauce amère.

L'économie britannique devrait croître de 1,7% cette année et de 2,5% en 2012, a prévu George Osborne. En même temps, les mesures du plan d'austérité retrancheront l'équivalent de 2,7% de croissance du PIB, calculent des économistes.

Nombre de spécialistes ont déjà mis en garde les gouvernements contre le danger de réduire les dépenses brutalement en période de récession ou de reprise fragile. Au Royaume-Uni, un enfant du pays, John Maynard Keynes, est même devenu célèbre en plaidant qu'il fallait faire le contraire, c'est-à-dire augmenter le niveau des dépenses publiques pour maintenir la consommation et aider l'économie à reprendre le chemin de la croissance.

La recette de Keynes a beau avoir été élaborée dans les années 30, elle semble être encore efficace si on se fie à l'expérience britannique.