Coup d'arrêt à la croissance, chute de l'emploi et effondrement des marchés boursiers: tel est le «scénario du pire» sur lequel pourrait déboucher une aggravation de la crise de la dette secouant les pays fragiles de la zone euro, imaginé par l'agence de notation Standard & Poor's.

Ce scénario catastrophe, présenté comme une simple «simulation» par S&P, est fondé sur l'hypothèse d'une aggravation de la crise de la dette publique, qui secoue actuellement les économies grecque, irlandaise, portugaise et espagnole et, dans une moindre mesure, italienne.

Certes, ces craintes ne reflètent pas les «prévisions» de S&P, mais qu'adviendrait-il si cette crise de confiance s'intensifiait pour ressembler à la crise de 1929? s'interroge l'agence, dans cette étude publiée mercredi, à la veille d'un important sommet européen appelé à parachever un dispositif contre les crises de la dette.

Le scénario retenu par S&P porte sur la période 2011-2015 et se déroule en trois phases.

Un «choc» fait monter en flèche les taux d'intérêt des emprunts publics grec, portugais, irlandais et espagnol. Le Portugal se voit alors contraint d'emprunter à plus de 8% en 2012, contre un peu plus de 7% actuellement, et même à 17% en 2013.

Ce choc va ensuite assécher le système financier, rendant difficile l'accès au financement pour le secteur privé.

En conséquence, les économies européennes, plus particulièrement la Grèce, l'Irlande, le Portugal et l'Espagne connaissent alors une nouvelle période de récession, selon cette «simulation».

Concrètement: la dette publique de ces pays fragiles explose, en cinq ans, leur produit intérieur brut (PIB) chute de 20%, l'emploi de 25% et les marchés boursiers s'écroulent à hauteur de 70%.

En Grèce, la dette publique atteindrait 330% du PIB, plus du double du ratio actuel. Et en Espagne, elle s'élèverait à 127% du PIB, contre 70% en 2010, plombée par une nécessité d'injecter de l'argent dans le système financier.

Toujours selon cette simulation, l'Espagne, l'Irlande, le Portugal et la Grèce voient aussi voir leurs besoins de refinancement s'accroître sur la période pour atteindre 640 milliards d'euros en 2015, soit quasiment le double de cette année (329 milliards).

L'Italie et l'Espagne ont toutefois les moyens de reprendre leur souffle, en raison d'un niveau de dette privée relativement faible pour Rome et d'une dette publique relativement maîtrisable pour Madrid, selon ce scénario.

L'Allemagne et la France sont relativement épargnées, avance S&P. Leur PIB baisserait de seulement 3%, l'emploi de 10% et leurs marchés boursiers perdraient 50%.

Pour l'Europe, les répercussions politiques seraient dévastatrices. Les électeurs dans les États les plus touchés pourraient se laisser tenter par des programmes aux mesures protectionnistes et une possible sortie de la zone euro pour renforcer leur attractivité.

«Les gouvernements européens n'auraient pas beaucoup d'alternatives entre une intégration budgétaire plus complète qu'actuellement et la sortie pure et simple des économies les plus endettées de la zone euro, avec des conséquences potentiellement pires encore», selon ce scénario.