Le secteur bancaire espagnol a besoin de 15,152 milliards d'euros (20,377 milliards de dollars) pour retrouver la santé, a annoncé jeudi la Banque d'Espagne, démentant les prévisions de Moody's qui avait avancé une fourchette de 40 à 50 milliards (53,8 à 67,2 milliards de dollars) et dégradé d'un cran la note souveraine du pays.

Selon la banque centrale, douze entités financières ont besoin de capitaux supplémentaires pour répondre aux nouvelles exigences du gouvernement en termes de solvabilité, fixées par décret le 18 février et qui entraient en vigueur jeudi.

Les entités pointées du doigt sont les unions de caisses Bankia, Novacaixagalicia, Catalunya Caixa, Banco Base, Banca Civica, Mare Nostrum, Caja Duero-Espana et Unnim.

Les banques Bankinter et Bankpyme, ainsi que les filiales espagnoles de Barclays et Deutsche Bank, sont elles aussi appelées à chercher des fonds.

Cette annonce survient alors que l'agence Moody's a dégradé jeudi matin la note de l'Espagne, à «Aa2» avec perspective négative, s'inquiétant du coût de la restructuration bancaire et doutant de l'estimation du gouvernement, selon qui le secteur avait besoin de 20 milliards d'euros (26,9 milliards de dollars) pour se refinancer.

Moody's «pense que le coût total devrait être plus proche des 40-50 milliards».

Le chiffre avancé par la Banque d'Espagne constitue «une quantité raisonnable, supportable», a affirmé le chef du gouvernement José Luis Rodriguez Zapatero. «Je respecte toutes les agences, mais en tant que président du gouvernement, ma confiance va à la Banque d'Espagne», a-t-il assuré.

La ministre de l'Économie, Elena Salgado, avait réagi à l'annonce de Moody's en clamant «certaines divergences» avec l'agence de notation.

Seule Standard & Poor's avait jugé «cohérente» l'évaluation du gouvernement, tandis que Fitch tablait sur 38 à 96,7 milliards d'euros (51 à 130 milliards de dollars), Goldman Sachs 22 à 59 milliards d'euros (29,6 à 79, 4 milliards de dollars) et Morgan Stanley 40 milliards d'euros.

Les douze entités ont désormais quinze jours pour présenter un plan de refinancement s'étalant jusqu'à septembre ou solliciter une aide publique, qui prendrait la forme d'une nationalisation partielle temporaire.

Le secteur était en ébullition ces dernières semaines pour afficher un bilan conforme aux attentes des autorités, surtout les caisses d'épargne, des établissements régionaux non cotés et plombés depuis l'éclatement de la bulle immobilière en 2008.

Les 17 caisses ont déjà reçu 12 milliards d'euros (16 milliards de dollars) de fonds publics en 2010.

Cette fois, les autorités incitent le secteur à chercher en priorité des fonds privés, en ouvrant leur capital à des investisseurs et/ou en entrant en Bourse -ce qui en a incité la plupart à devenir des banques- ou encore en vendant des actifs.

L'agence Moody's avait surpris jeudi en prenant sa décision avant même de connaître les chiffres de la Banque d'Espagne, semblant déjà les désavouer.

La nouvelle a plongé dans le rouge la Bourse de Madrid, qui a perdu 1,17%.

L'Espagne reste toutefois bien notée et Moody's «n'anticipe pas un besoin du gouvernement espagnol pour demander un soutien financier du FESF» (Fonds européen de stabilisation financière).

Mais l'agence estime que «le coût éventuel de la restructuration bancaire dépassera les estimations actuelles du gouvernement, entraînant une nouvelle hausse du taux de dette publique».

Deuxième motif d'inquiétude, «la capacité du gouvernement à parvenir à la nécessaire amélioration structurelle et durable des finances», «compte tenu des limites du contrôle du gouvernement central sur les finances des gouvernements régionaux et du contexte de croissance économique seulement modérée à court et moyen terme».

Certes, l'économie espagnole, engagée dans l'assainissement de ses comptes, a atteint fin 2010 un niveau de déficit (9,24% du PIB) légèrement meilleur que prévu. Mais celui des régions, à 2,83% du PIB, a largement dépassé l'objectif de 2,4%.