Trois mois après sa mise en garde, l'agence Moody's a dégradé jeudi d'un cran la note souveraine de l'Espagne, à «Aa2», annonçant sa décision avant même de laisser parler la Banque d'Espagne, qui doit communiquer dans la journée sur la santé du secteur bancaire.

L'agence de notation, qui avait ouvert le 15 décembre une période d'examen de trois mois, avait jusqu'à mardi prochain pour se prononcer.

Elle a choisi de le faire dès jeudi, confirmant son tour de vis qui l'a amenée à dégrader la Grèce lundi et semblant désavouer par avance l'annonce de la banque centrale, pourtant très attendue par le marché.

Elle a abaissé la note à «Aa2» contre «Aa1» auparavant, avec perspective négative, se disant toujours sceptique sur la capacité du pays à redresser ses finances et s'inquiétant du coût de la restructuration bancaire.

La ministre espagnole de l'Économie, Elena Salgado, a contesté le tableau brossé par Moody's, clamant «certaines divergences» et assurant que cette restructuration ne va pas coûter autant que l'estime l'agence.

Moody's avait déjà retiré fin septembre sa note maximale «Aaa» à l'Espagne, dans le sillage de Standard & Poor's et Fitch quelques mois plus tôt.

Sans surprise, la nouvelle a plongé dans le rouge la Bourse de Madrid, qui perdait 0,89% ce matin.

L'Espagne reste toutefois bien notée. «Moody's continue de croire que la viabilité de la dette de l'Espagne n'est pas menacée» et «n'anticipe pas un besoin du gouvernement espagnol pour demander un soutien financier du FESF» (Fonds européen de stabilisation financière).

Mais l'agence estime que «le coût éventuel de la restructuration bancaire dépassera les estimations actuelles du gouvernement, entraînant une nouvelle hausse du taux de dette publique».

Elle dégrade donc d'un cran le fonds public d'aide au secteur, le Frob, à «Aa2» avec perspective négative.

Cette annonce survient le jour même où la Banque d'Espagne doit chiffrer les besoins de financement des banques et caisses d'épargne espagnoles, plombées depuis l'éclatement de la bulle immobilière en 2008, pour répondre aux nouvelles exigences des autorités en termes de solvabilité.

«Même si la décision était attendue, la surprise vient du moment choisi», avant même d'entendre la banque centrale qui doit s'exprimer à midi, a réagi dans une note Jesus Castillo, analyste chez Natixis.

Sur l'enveloppe globale dont a besoin le secteur, l'estimation du gouvernement de 20 milliards d'euros est généralement jugée trop optimiste par le marché. Ainsi Moody's «pense que le coût total devrait être plus proche des 40-50 milliards».

Deuxième motif d'inquiétude pour l'agence, «la capacité du gouvernement à parvenir à la nécessaire amélioration structurelle et durable des finances», «compte tenu des limites du contrôle du gouvernement central sur les finances des gouvernements régionaux et du contexte de croissance économique seulement modérée à court et moyen terme».

Tandis que les autorités espagnoles tablent sur une croissance de 1,3% en 2011 (après -0,1% en 2010), l'agence n'espère qu'une hausse de 0,8%.

«Le principal problème de l'économie espagnole est la faiblesse de la croissance», a renchéri Jesus Castillo.

En outre, dans plusieurs des 17 régions autonomes, «le chemin de la consolidation budgétaire reste flou», note Moody's. Certes, l'économie espagnole, engagée dans un processus d'assainissement de ses comptes, a atteint fin 2010 un niveau de déficit (9,24% du PIB) légèrement meilleur que prévu.

Mais celui des régions a grimpé à 2,83% du PIB après 1,92% en 2009, dépassant largement l'objectif officiel de 2,4%. Plus de la moitié des régions (neuf) n'ont pas respecté cette limite.