La réforme de l'économie cubaine prendra «au moins cinq ans», a averti le président Raul Castro en évoquant la «complexité» des mesures à mettre en place pour éviter une faillite totale du pays.

«L'actualisation de notre modèle économique n'est pas une affaire de jours, ni même d'une année, et en raison de sa complexité il nous faudra pas moins d'un quinquennat pour en déployer la mise en place», a affirmé Raul Castro lors d'un grand conseil des ministres élargi à divers responsables d'État.

«Les pressions et l'improvisation n'ont pas leur place dans cette activité stratégique», car «la plus grosse menace pesant sur la Révolution réside justement dans les erreurs que nous pourrions commettre», a ajouté Raul Castro, cité mardi par la télévision et la presse cubaines.

Le président, qui a pris les rênes du pouvoir en 2006 des mains de son frère Fidel forcé de s'écarter pour des raisons de santé, a appelé les Cubains à «travailler sans précipitation, mais dans la continuité» et «dans l'ordre et la discipline» à la réforme économique.

Les principales réformes annoncées par le gouvernement prévoyaient un sérieux dégraissage d'une fonction publique pléthorique, l'ouverture au secteur privé de 178 petits métiers, la création de coopératives urbaines, une plus grande autonomie des entreprises publiques, la fin de nombreuses subventions et interventions de l'État dans tous les secteurs économiques et l'ouverture aux capitaux étrangers.

Raul Castro avait averti le Parlement en décembre: «ou nous agissons ou c'en est fini de marcher le long du précipice et nous y tombons».

Mais la marche de la réforme se heurte à l'absence de routes bien établies: les règles d'autonomie des entreprises ou les conditions de créations de coopératives ne sont pas clairement définies.

Beaucoup de Cubains hésitent à se lancer dans l'aventure de l'entreprise privée en raison de l'absence de marchés de gros leur permettant de s'approvisionner en tous types de produits de manière régulière ou de crédits bancaires nécessaires au lancement de leurs activités.

Le dégraissage de la fonction publique a pris du retard. L'État avait prévu de supprimer un million de postes de travail -dont 500 000 avant la fin mars- mais réalise que l'impact négatif d'une telle mesure est direct sur l'économie.

Raul Castro a ainsi souligné qu'il fallait «ajuster le programme» de licenciements dans le secteur public. «Une tâche de cette amplitude, qui touche d'une façon ou d'une autre tant de citoyens, ne peut s'enfermer dans des délais inflexibles», a-t-il jugé.

Les ex-employés du secteur public qui sont rendus «disponibles», selon la terminologie officielle, devraient retrouver du travail dans d'autres secteurs où les nouvelles réformes doivent créer des emplois, a expliqué à l'AFP le vice-ministre du Travail José Barreiro.

Mais ces emplois ne sont pas encore créés, en l'absence de règles déterminées pour leur viabilité.

«Cela fait longtemps que nous alertons les autorités sur le fait que les conditions ne sont pas créées pour la réalisation de ce processus», a assuré à l'AFP l'économiste indépendant Oscar Espinosa Chepe, qui recommande plus de «souplesse» des règles d'exercice pour le secteur privé.

En décembre, le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, José Toledo, a lui-même souligné que les réformes impliquaient «un important travail législatif»: création ou modification des normes et définition des statuts des coopératives urbaines qui doivent créer un tissu de petites et moyennes entreprises.

L'approbation officielle des réformes économiques reviendra au Parti communiste de Cuba (PCC, parti unique) qui se réunit à la mi-avril en congrès, son premier depuis 1997.