En Grande-Bretagne, ciblés par les mesures d'austérité introduites cette année, les jeunes adultes sont confrontés à un marché du travail frileux depuis déjà deux ans. Résultat, ils sont près d'un million au chômage. La suppression d'un important programme d'emploi n'aidera pas leur cause. Des analystes craignent une bombe à retardement.

«Je n'ai pas d'avenir dans mon pays.» James Alabaster, 24 ans, a l'impression que ses démarches au centre d'emploi de Lewisham, un quartier défavorisé de Londres, ne mènent nulle part.

Diplômé avec distinction en beaux-arts en 2008, il cherche un emploi de technicien sonore ou visuel. «Il y a bien des stages non rémunérés, dit-il. Mais avec un loyer mensuel de 700 dollars et des dettes universitaires de 32 000 dollars, je ne peux pas me le permettre.» Il touche une allocation de 80 dollars par semaine pour sa recherche d'emploi.

Il songe à quitter le pays. «J'envisage de faire une maîtrise en Suède ou au Danemark, où l'université est gratuite», explique le jeune homme, qui a manifesté contre les hausses des frais de scolarité l'automne dernier.

Situé au milieu de magasins à aubaines et de pubs décrépits, le centre d'emploi de Lewisham fourmille de jeunes.

Pas moins de 36% des 16 à 24 ans sont sans travail dans l'arrondissement. Lewisham arrive en tête de «la liste de la honte» établie par le tabloïd The Sun: les 20 régions comptant 29% ou plus de jeunes chômeurs.

Le portrait à l'échelle nationale n'est guère plus reluisant. Un jeune Britannique sur cinq se cherche un emploi, soit 9 510 000 individus. C'est 250 000 de plus qu'au premier trimestre de 2008.

Employeurs frileux

Que s'est-il passé? La récession de 2008, bien sûr. Beaucoup de diplômés, comme James Alabaster, se heurtent à des portes fermées et leurs rangs ne font que grossir en attendant une embellie économique.

Depuis la crise, les employeurs ont coupé dans les salaires et les heures de travail pour limiter les mises à pied.

Le premier ministre David Cameron a beau leur faire les yeux doux, la contraction du PIB de 0,5% annoncée la semaine dernière ne les encouragera pas à allonger leur liste de paie.

Les diplômés peuvent encore moins se tourner vers le secteur public. Dans la foulée des mesures d'austérité, un demi-million d'emplois dans la fonction publique disparaîtront d'ici 2015 selon les estimations du ministre des Finances, George Osborne.

Les municipalités ont annoncé de leur côté l'abolition de 150 000 postes.

Avec ces sombres perspectives, le nombre de jeunes chômeurs franchira la barre du million au prochain trimestre, croit la chercheuse Clare McNeil. «Ils font face aux conditions les plus difficiles depuis des décennies, dit l'analyste du groupe de réflexion Institute for Public Policy Research. Les plus chanceux commenceront au bas de l'échelle avec des salaires réduits.»

Aide volatilisée

Charlie Rees, étudiante à temps partiel, a envoyé plus de 100 curriculum vitae dans des salons de beauté. Personne ne la rappelle malgré son diplôme technique. «On me répond que je n'ai pas d'expérience, dit-elle. À quoi bon aller au collège alors?»

Maintenant que les allocations de scolarité, entre 15 et 50 dollars par semaine, ont été abolies par le gouvernement de David Cameron (une économie de 880 millions de dollars), Charlie Rees, 18 ans, dépend de sa soeur aînée pour joindre les deux bouts.

«Je survis à peine», dit-elle.

Malheureusement pour Charlie, David Cameron a fait table rase des programmes d'insertion professionnelle. Le Future Jobs Fund, qui permettait le placement temporaire de 200 000 candidats au coût annuel de 520 millions de dollars, sera supprimé en mars après seulement 18 mois d'existence.

Un nouveau programme sera introduit en juin mais ses détails restent inconnus.

Des économistes sonnent l'alarme et parlent de «génération perdue». Un récent rapport de l'Institut national de la recherche économique et sociale prédit une érosion de la «cohésion sociale».

«Nous n'avons qu'à regarder du côté du monde arabe pour voir l'impact d'une jeune population au chômage», dit Clare McNeil.

Le jeune James Alabaster, lui-même «désillusionné» face au système politique, n'est pas prêt à accepter un «McJob». «Mais qui sait ce que l'avenir me réserve», ajoute-t-il.