Le yuan reste «considérablement sous-évalué», écrit le Trésor des États-Unis dans un rapport sur les changes publiés vendredi, qui se garde d'accuser formellement la Chine de manipuler sa monnaie comme le voudraient nombre d'élus américains.

«Tout indique que le yuan reste considérablement sous-évalué», écrit le Trésor dans ce rapport semestriel sur les changes destiné au Congrès et publié avec quatre mois de retard.

Notant que les autorités de Pékin ont décidé en juin de desserrer leur étau sur le yuan et qu'elles se sont engagées à poursuivre le processus de libéralisation du taux de change de leur monnaie, le Trésor estime que la Chine ne réunit pas les critères pour être accusée de manipulation de sa monnaie.

Une telle accusation aurait permis au Congrès américain d'engager des mesures de rétorsion économique contre la Chine.

Le rapport du Trésor aurait dû être remis le 15 octobre, mais, au grand dam des élus, le ministère avait décidé d'en reporter la publication afin de ne pas froisser Pékin, qui ne supporte pas les appels incessants des États-Unis à hâter le processus d'appréciation du yuan.

Le Trésor note néanmoins que les progrès accomplis par les Chinois en ce domaine «ont été jusqu'ici insuffisants et qu'ils doivent s'accélérer».

Les conclusions du Trésor ne sont guère surprenantes dans la mesure où elles correspondent à la stratégie adoptée par le gouvernement américain, qui consiste à faire pression au maximum sur la Chine sans employer les grands mots qui fâchent.

Le secrétaire au Trésor, Timothy Geithner, a beau affirmer régulièrement que la Chine intervient massivement tous les jours pour freiner l'appréciation du yuan, son ministère et lui-même invoquent des critères techniques qui les empêchent de qualifier cela de manipulation.

M. Geithner a suggéré par le passé aux élus de modifier les termes de la loi s'ils veulent que le Trésor puisse accuser la Chine.

Lors d'une audition houleuse au Capitole il y a plusieurs mois, il avait expliqué aux élus que le Trésor devait prendre sa décision en fonction des termes de la loi votée par le Congrès, ajoutant que ceux-ci ne permettaient pas de conclure à des manipulations de changes de la part des autorités chinoises.

«Aucun partenaire commercial majeur des États-Unis ne remplit les critères définis» par le Congrès pour être accusé de manipulation, stipule le nouveau rapport publié vendredi.

Selon le Trésor, le yuan s'est apprécié de 3,7% par rapport au dollar entre la mi-juin et le 27 janvier.

Si l'on tient compte du différentiel d'inflation entre les États-Unis et la Chine, le yuan s'est apprécié plus rapidement, «à un rythme qui, s'il était maintenu, atteindrait plus de 10% par an», ajoute le rapport. «Avec le temps», les différentes mesures prises par la Chine «mèneront à un taux de change davantage déterminé par les forces du marché».

La réaction des élus ne s'est pas fait attendre. Le rapport du ministère «confirme l'évidence en même temps qu'il l'ignore: la hausse du yuan est totalement insuffisante, et ce n'est pas un accident», a estimé le sénateur démocrate Sherrod Brown.