La crise de l'euro a finalement eu raison du gouvernement irlandais hier alors même que les dirigeants européens répètent à qui veut l'entendre que le pire est passé à l'échelle du continent.

Le premier ministre Brian Cowen, qui entend quitter définitivement la vie politique, a demandé et obtenu hier la dissolution du Parlement en vue de permettre la tenue de nouvelles élections le 25 février.

Le controversé dirigeant était durement critiqué depuis plusieurs semaines, tant au sein de son parti, le Fianna Fail, que par l'opposition, à qui les sondages promettent une large victoire au prochain scrutin.

La campagne, qui se déroulera sur moins d'un mois, sera dominée par le thème de l'économie. Le plan de sauvetage de 85 milliards d'euros approuvé par le pays pour renflouer ses banques, laminées par l'effondrement de la bulle immobilière, est largement critiqué et devrait faire l'objet d'une réévaluation du nouveau gouvernement.

Le président de Social Justice Ireland, Sean Healy, qui dirige une organisation luttant contre les inégalités sociales, note que des représentants du principal parti d'opposition, le Fine Gael, ont eu, il y a quelques jours, des échanges exploratoires avec les autorités européennes en ce sens.

L'Irlande, note-t-il, espère notamment faire réviser à la baisse le taux d'intérêt de près de 6% imposé pour ce massif emprunt, destiné en priorité au renflouement des banques. «Le taux comporte un caractère punitif qui est inacceptable», note M. Healy.

Il pense par ailleurs que la période de remboursement du prêt pourrait ultimement être prolongée afin d'alléger le fardeau de la dette.

«Dans le cas contraire, il ne sera pas possible pour le pays de faire les remboursements prévus. C'est déjà confirmé par le fait que la banque centrale vient de couper de moitié ses projections de croissance pour l'année, ce qui va réduire les entrées d'argent», note l'activiste.

Eric Heyer, directeur adjoint de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), pense qu'il est tout à fait possible que les autorités européennes se montrent conciliantes à ce sujet en relevant que le pays fait un «effort considérable» pour redresser ses finances.

La Grèce, qui a accepté au printemps dernier de procéder à d'importantes coupes en contrepartie d'une aide d'urgence de 110 milliards d'euros, espère aussi bénéficier d'un allégement de sa dette.

«Il est clair (...) qu'il y a des réflexions sur la manière d'améliorer la viabilité de la dette de pays comme la Grèce avec une période de remboursement plus longue», déclarait il y a quelques jours le premier ministre grec, George Papaconstantinou.

Le Portugal et l'Espagne continuent pour leur part de multiplier les réformes dans l'espoir d'éviter un plan de sauvetage européen. Madrid vient notamment d'annoncer un «grand pacte social» entre syndicats, entreprises et gouvernement pour redynamiser l'économie.

La ministre française des Finances, Christine Lagarde, a assuré il y a quelques jours, au sommet de Davos, en Suisse, que l'euro avait «franchi le cap» et que le pire de la crise était résolument passé. Elle a évoqué le fait que le Fonds européen de stabilisation financière, utilisé pour renflouer les pays en difficulté, avait recueilli 5 milliards d'euros sur les marchés en suscitant une réaction très enthousiaste.

Son homologue allemand, Wolfgang Schaüble, a répété durant le sommet que les pays européens étaient capables de «défendre la stabilité de l'euro» et étaient déterminés à «resserrer les rangs» pour contrer les spéculateurs.

M. Heyer, de l'OFCE, pense que la volonté plus affirmée de l'Allemagne de soutenir les pays en difficulté a largement contribué au cours des dernières semaines à apaiser les marchés.

Le pays a compris, selon lui, qu'il était dans son intérêt d'intervenir pour éviter l'éclatement de la zone euro. D'une part, les banques allemandes sont lourdement exposées aux pays périphériques en difficulté et auraient, d'autre part, beaucoup à perdre si ces pays abandonnaient la devise. L'émergence d'une zone restreinte favoriserait la flambée de l'euro et limiterait la compétitivité de Berlin en matière d'exportation, ajoute l'analyste.

Le journal Les Échos convenait en éditorial lundi que la situation de la zone euro est aujourd'hui sans commune mesure avec celle de décembre, alors qu'analystes et médias prédisaient le pire.

La prudence s'impose, prévient cependant le quotidien, qui attribue une part importante de l'embellie au fait que la Banque centrale européenne a récemment racheté beaucoup de titres obligataires de pays en difficulté. «Dès qu'elle ralentit un peu (...) les taux se tendent», souligne-t-on.