Le Portugal a réussi mercredi à placer près de 1,25 milliard d'euros de dette, passant avec succès son premier test de l'année sur les marchés, mais le répit pourrait n'être que provisoire, avertissent les analystes.

Contrairement aux prévisions, le Portugal a bénéficié d'une très forte demande et a même obtenu des taux en baisse pour les obligations à échéance juin 2020, à 6,716% contre 6,806% lors d'une opération similaire en novembre dernier.

Conséquence immédiate, la tension s'est nettement relâchée sur les marchés obligataires, où les taux portugais à dix ans fléchissaient à 6,761% peu après 12h00 contre 6,900% mardi à la clôture.

La Bourse de Lisbonne, comme l'ensemble des places européennes, a terminé dans le vert (+2,59%). L'euphorie était particulièrement marquée à Madrid (+5,42%), où l'adjudication portugaise était attendue avec anxiété alors que l'Espagne espère à son tour lever deux à trois milliards d'euros jeudi.

«Une des conclusions à tirer du succès de cette opération est que le Portugal est en conditions de se financer sur les marchés, qu'il y a une demande et qu'il obtient des prix qui sont acceptables, et même favorables vu le contexte», a réagi le ministre des Finances Fernando Teixeira dos Santos.

«Face à cela, le recours à une aide extérieure n'est pas nécessaire», a-t-il réaffirmé, alors que la pression s'était accentuée ces derniers jours sur le gouvernement portugais pour qu'il accepte, comme la Grèce et l'Irlande, de solliciter une aide extérieure afin d'éviter une contagion à des pays plus importants de la zone euro, comme l'Espagne, voire l'Italie.

De son côté, le Premier ministre José Socrates, en visite en Allemagne, a estimé que le marché avait «marqué sa confiance grâce aux bons résultats» annoncés la veille, à savoir une croissance de 1,3% en 2010 et un déficit public qui devrait être inférieur aux 7,3% du PIB prévus.

Face à l'optimisme affiché par Lisbonne, les analystes se montraient toutefois prudents, soulignant que les taux exigés par les investisseurs sont restés élevés, voire en hausse pour les obligations à 3 ans (5,396%, contre 4,041% en novembre).

Même si la baisse des taux longs constitue «une bonne surprise», les taux exigés restent «insupportables compte tenu du potentiel de croissance de l'économie portugaise», a estimé Filipe Silva, stratégiste obligataire à la Banque Carregosa, pour qui, «à long terme, la situation n'est pas tenable».

Mardi, la banque du Portugal a revu à la baisse ses estimations de croissance pour 2011, prévoyant un recul du PIB de 1,3%, ce qui a renforcé les doutes des économistes sur la capacité du gouvernement à ramener le déficit public à 4,6% du PIB, comme il s'y est engagé.

«Les interrogations sont nombreuses, et ce n'est pas une adjudication qui retire toute les incertitudes concernant l'économie portugaise cette année», a déclaré Cristina Casalinho, analyste à la banque BPI.

Pour Paolo Pizzoli, économiste du groupe ING, «cette émission montre que, pour l'instant, le Portugal est encore capable de se financer sur les marchés». Mais, a-t-il souligné, «d'autres tests sont encore à venir».

Pour 2011, le Portugal a chiffré ses besoins de financement net à 20 milliards d'euros, sans compter les 26,5 milliards d'euros de dettes arrivant à échéance cette année.

Signe de l'inquiétude persistante, le président de la Commission européenne José Manuel Barroso a appelé mercredi les pays de l'UE à augmenter rapidement les ressources du Fonds de secours de la zone euro.

«Nous vivons toujours une période d'instabilité», a justifié l'ancien Premier ministre portugais. Il est «important d'envoyer des signaux forts et de prendre des décisions fortes afin de montrer notre détermination à préserver la stabilité de la zone euro», a-t-il dit, avant que sa proposition ne soit aussitôt rejetée par Paris et Berlin.