Plusieurs pays sud-américains, Brésil et Chili en tête, organisent la riposte dans la «guerre des monnaies» et multiplient les interventions pour contrer l'appréciation de leurs monnaies, néfaste aux exportations qui ont tiré la croissance ces dernières année.

La Banque centrale du Chili a lancé mercredi un plan d'achat de 12 milliards de dollars US sur un an pour contrer la hausse du peso (8,4% l'an dernier), au grand soulagement des exportateurs du pays, premier producteur mondial de cuivre et où les exportations représentaient 38% du PIB en 2009.

La simple annonce de ce plan a entraîné mardi la plus forte chute du peso en une décennie par rapport au dollar (-4,7%).

Le même jour, Guido Mantega, ministre des Finances du Brésil, a également prévenu que son gouvernement était «prêt à prendre des mesures pour empêcher que cette valorisation persiste», alors que le real s'échangeait au niveau record de 1,66 pour un dollar américain.

«Nous ne pouvons pas oublier que nous sommes dans une guerre des monnaies, tous les pays oeuvrent pour dévaluer leur monnaie afin d'en tirer des avantages commerciaux», a-t-il dénoncé.

L'excédent commercial de la première économie de la région est tombé l'an dernier au plus bas depuis huit ans, en raison de l'explosion des importations (+42%), favorisées par la forte appréciation du real, dont la valeur a doublé par rapport au dollar depuis 2003.

L'Amérique du Sud, où la demande interne est limitée par des niveaux de pauvreté encore élevés, a bâti son «boom» des dernières années sur ses exportations de matières premières minières et agricoles, profitant de l'appétit insatiable des pays émergents, Chine en tête.

Mais après avoir atteint 6% en 2010, sa croissance devrait baisser à 4,2% en 2011, selon la Commission économique pour l'Amérique latine (Cepal).

«Le grand défi de la région est de créer les conditions pour un développement productif qui ne se base pas seulement sur l'exportation de matières premières», relevait le mois dernier Alicia Barcena, secrétaire exécutive de cet organisme dépendant de l'ONU.

Faute de quoi, les économies hyper-spécialisées resteraient à la merci d'un choc externe.

Avant le Chili, la Colombie a déjà pris des mesures pour enrayer l'appréciation de sa monnaie.

Depuis octobre, la Banque centrale achète 20 millions de dollars par jour et les entrées de dollars sont limitées, ce qui a contribué «au fort rebond en fin d'année» du dollar, selon l'économiste Julian Cardenas, de Corredores Associados.

La devise colombienne a terminé 2010 sur une hausse de 6,77% par rapport au dollar, alors qu'il était à +14% en septembre, mais «l'appréciation risque de continuer», car «prétendre que le gouvernement et la banque centrale peuvent contenir un phénomène mondial est irréaliste», ajoute-t-il.

«Cela ne garantit pas que l'on puisse maintenir indéfiniment un type de change déterminé», prévient également le ministre chilien des Finances, Felipe Larrain, à propos de l'achat de dollars de sa Banque centrale.

D'autant que des paramètres de fond contribuent à tirer à la hausse certaines monnaies sud-américaines, comme les cours records du cuivre au Chili, qui produit un tiers du métal rouge mondial.

La vigoureuse croissance des économies de la région et l'appréciation de leur monnaie génère en outre des flux de capitaux alimentant le risque d'une surchauffe.

Au Brésil, les prix ont connu en octobre la hausse mensuelle la plus importante depuis avril 2005, et l'inflation devrait atteindre 5,9% en 2010, dépassant d'un point et demi les prévisions officielles, ce qui a poussé la Banque centrale à relever le taux de réserves obligatoires des banques.