La saga entre l'héritière de L'Oréal Liliane Bettencourt et sa fille qui estimait sa mère diminuée au point de dilapider sa fortune s'est achevée lundi par une réconciliation qui ne met cependant pas fin au volet politique dans lequel est mis en cause un ancien ministre.

Pendant trois ans, ce vaudeville né dans les quartiers chics de Neuilly-sur-Seine (banlieue parisienne) a fait les délices du tout Paris, rythmé par les actions en justice et les échanges entre la femme la plus riche de France et sa fille Françoise Bettencourt-Meyers par presse interposée.

Le volet familial s'est achevé lundi par un communiqué commun scellant la réconciliation entre les deux femmes et la fin de toutes les procédures judiciaires engagées.

Cette décision «correspond à mon souhait de voir la famille réunie. Nous allons ensemble pouvoir aller de l'avant. Pour notre bien commun, et pour L'Oréal qui fait tant partie de ma vie», y affirme la milliardaire âgée de 88 ans.

Un rebondissement qualifié de «dénouement heureux» par Jean-Paul Agon, directeur général de L'Oréal, fleuron de l'industrie française dont l'autre grand actionnaire est le suisse Nestlé.

Dans cette saga, il y avait d'un côté une vieille dame fière de sa liberté à la fortune évaluée à 17 milliards d'euros; de l'autre sa fille unique, 57 ans, qui doit devenir propriétaire des actions de sa mère au sein du groupe (environ 30%) à son décès.

Et entre les deux, un photographe mondain François-Marie Banier, ami amuseur de l'héritière L'Oréal : la fille l'accusait d'avoir psychologiquement abusé de sa mère pour obtenir près d'un milliard d'euros de dons dans les années 1990 et 2000.

Depuis que Françoise Bettencourt-Meyers a porté plainte contre le jet-setteur pour «abus de faiblesse» en décembre 2007, les deux femmes n'ont cessé de s'entredéchirer. Pour la troisième fois en octobre, la fille a demandé la «mise sous tutelle» de sa mère qui a répliqué en se disant «prête à la bagarre» et à poursuivre sa fille pour «harcèlement».

Aux termes de l'accord finalement rendu public lundi, Françoise Bettencourt-Meyers, qui retrouve «sa mère libre de toute entrave» va mettre fin à «toutes les poursuites judiciaires» qu'elle a engagées «puisque M. Banier et (le gestionnaire de fortune de sa mère) Patrice de Maistre ont été écartés de son entourage», a expliqué à l'AFP son avocat Me Olivier Metzner.

Mi-juillet, la milliardaire avait déjà pris ses distances en révoquant son ami de son titre de légataire universel, qui lui aurait fait percevoir environ 1,25 milliard d'euros à sa mort, tandis qu'en septembre L'Oréal avait annoncé avoir rompu ses contrats avec François-Marie Banier.

Cette histoire d'argent et de sentiments avait subitement pris un tour politico-fiscal en juin après la révélation d'écoutes pirates réalisées de manière rocambolesque par un maître d'hôtel (de mai 2009 à mai 2010) au domicile de Liliane Bettencourt dans le but de démontrer sa fragilité psychologique.

Sur la base de ces enregistrements, l'ex-ministre du Travail Eric Woerth s'est retrouvé soupçonné de conflit d'intérêts entre ses anciennes fonctions de ministre du Budget, son ancien poste de trésorier du parti présidentiel UMP, et l'embauche de sa femme Florence en 2007 par la société gérant le patrimoine de Liliane Bettencourt.

Il a aussi été mis en cause pour avoir remis la Légion d'honneur, la distinction française la plus prestigieuse, à Patrice de Maistre. Des soupçons de financement illicite de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy ont également été émis, sans être prouvés, à l'encontre de celui qui était un pilier du gouvernement et qui a été sacrifié à l'occasion du récent remaniement.

Le volet non familial de l'affaire qui n'a cessé de rebondir avec l'audition de l'ex-ministre, les perquisitions à l'UMP, des vols, les fuites dans la presse ou les accusations d'espionnage, va lui se poursuivre.