À l'approche du Congrès quinquennal du Parti communiste, les investisseurs étrangers au Vietnam réclament de plus amples réformes pour permettre au pays, célébré prématurément il y a vingt ans comme le nouveau dragon asiatique, de rattraper le retard avec ses voisins.

Infrastructures surchargées, main d'oeuvre peu qualifiée, administration kafkaïenne, corruption... A bien des égards, le grand espoir de l'Asie du sud-est n'a pas tenu les promesses suscitées au début des années 90, lorsqu'il abandonnait l'économie planifiée pour épouser les lois du marché.

Le Vietnam «se bat pour être à la hauteur» d'un «potentiel immense», «freiné par des progrès lents sur une liste d'obstacles perpétuels aux investissements» estime ainsi Adam Sitkoff, directeur exécutif de la Chambre américaine de commerce de Hanoï.

Avec une croissance moyenne de 7,1% par an entre 1990 et 2009, selon la Banque asiatique de développement, le Vietnam a connu un développement parmi les plus importants d'Asie.

Il se classe désormais dans la catégorie des pays à revenu intermédiaire, avec un revenu moyen par habitant qui atteint les 1.200 dollars par an, selon les critères de la Banque mondiale.

Mais le pays est loin de ressembler aux Taïwan, Singapour et autres Corée du Sud auxquels il rêve de s'identifier.

Plus de 65% de sa population est non qualifiée, selon l'Eurocham, la chambre de commerce européenne du Vietnam. Et il «risque de tomber dans le piège du pays à revenu moyen, incapable de s'échapper d'une économie basée sur une main d'oeuvre bon marché et des méthodes de production à faible technologie», prévient son directeur exécutif Matthias Dühn.

Ces critiques interviennent à quelques semaines du congrès du Parti communiste au pouvoir, attendu en janvier.

Un rendez-vous aussi opaque que fondamental, qui attribuera pour les cinq prochaines années les poste-clés du pouvoir, et abordera «ces thématiques» économiques, selon Benoît de Tréglodé, directeur de l'Institut de recherche sur l'Asie du sud-est contemporaine (Irasec) à Bangkok.

«La communauté internationale en profite pour reformuler ces demandes» parce qu'elles ont «plus de résonance» aujourd'hui, estime-t-il, soulignant que le PCV devrait tendre vers «une réponse positive à beaucoup» d'entre elles.

Jeudi se tenait à Hanoï un forum bi-annuel du monde des affaires. L'occasion pour des investisseurs de dénoncer aussi une nouvelle loi sur le contrôle des prix, jugée «contre-productive» et contraire aux lois de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

Certains responsables proches du régime admettent le besoin de réformes.

«Trop d'attention a été portée à l'augmentation des investissements plutôt qu'à la qualité, la productivité, l'efficacité et la compétitivité», a ainsi estimé Tran Tien Cuong, de l'Institut de gestion économique du Vietnam, cité par le quotidien Vietnam News.

Il faudra, selon diverses estimations, environ 80 milliards de dollars d'investissements dans les dix ans à venir pour faire face à l'engorgement des ports, aéroports et routes du pays, 120 milliards si l'on compte les infrastructures énergétiques.

Autres obstacles, le poids des procédures administratives accompagnées d'une corruption endémique et le non-respect des droits de propriété intellectuelle.

Malgré l'adhésion en 2007 à l'OMC, les recours en justice pour faire respecter ces droits ne sont qu'une «option en théorie», regrette l'Eurocham.

Mais le pire des craintes vient peut-être de la quasi-faillite du conglomérat de construction navale Vinashin, avec un trou de plus de 4 milliards de dollars. Une affaire qui pousse les investisseurs à se demander quel groupe public «sera le prochain à lâcher», note Sitkoff.