La zone euro n'est pas au bout de ses peines après deux plans de sauvetage en six mois pour la Grèce et l'Irlande, tant la défiance est grande à l'égard d'un projet que les marchés considèrent comme miné par l'endettement et les disparités entre pays.

À présent, le Portugal, voire l'Espagne, quatrième économie de la zone euro, sont en première ligne face aux investisseurs.

Les Européens ont adopté dimanche un plan de sauvetage de 85 milliards d'euros en faveur de l'Irlande avec le Fonds monétaire international (FMI). Il fera de l'Irlande le deuxième pays de la zone euro à recevoir un tel soutien, six mois après la Grèce.

Pour rassurer, les ministres des Finances de la zone euro se sont aussi entendus sur les contours du futur Fonds de secours permanent aux pays en crise, appelé à voir le jour mi-2013 en remplacement du mécanisme actuel, temporaire.

L'Europe espère ainsi stopper une crise qui menace de gagner d'autres pays aux finances publiques fragiles comme le Portugal et l'Espagne, et de déstabiliser toute l'Union monétaire.

«J'espère» que l'incendie est éteint, a déclaré lundi, prudente, la ministre française de l'Economie Christine Lagarde.

Or, le plan d'aide à l'Irlande n'a pas permis de réduire les tensions sur les marchés.

L'euro est tombé lundi sous le seuil de 1,31 dollar US pour la première fois depuis deux mois. Et les taux d'emprunt de plusieurs États comme l'Espagne, l'Italie ou la Belgique continuent à grimper car les investisseurs se demandent si ces gouvernements pourront rembourser leurs dettes.

«La Grèce est (considérée comme) plus risquée que la Jamaïque, que le Pakistan et que l'Argentine. L'Irlande aujourd'hui est plus risquée que le Portugal, que l'Irak, la Hongrie et la Roumanie. L'Espagne est beaucoup moins sûre que le Liban ... la situation des marchés, c'est celle-là. Cela n'est pas raisonnable», se lamente une source diplomatique de haut rang.

Pour Mark Wall, économiste à la Deutsche Bank, c'est le Portugal qui va être le prochain à céder à l'effet «domino».

«Le gouvernement à Lisbonne va avoir du mal à résister à la pression qui va probablement s'accentuer de la part de ses partenaires européens pour déclencher une demande d'aide de la zone euro», estime-t-il, «l'Europe veut sans doute chercher à repartir sur des bases saines au début de l'année prochaine».

Les pays les plus fragiles de la zone euro, dits «de la périphérie» européenne, ou «Piigs» (Portugal, Irlande, Italie, Grèce et Espagne) inquiètent tous les marchés.

Ils sont fragilisés par des déficits élevés, auxquels s'ajoutent des problèmes de compétitivité qui les obligent à des réformes pour résoudre les problèmes structurels de leur économie.

Au risque de jeter de l'huile sur le feu, la Commission européenne s'est montée lundi plus pessimiste que les gouvernements portugais et espagnols sur leur capacité à réduire leurs déficits publics l'an prochain. Elle a aussi estimé que la situation sur les marchés financiers restait «inquiétante».

Les marchés qui, depuis le lancement de l'euro en 1999, n'avaient pas fait de différenciation trop grande entre les bons et les mauvais élèves de l'Union monétaire, font désormais nettement cette distinction.

Cette situation fait du coup resurgir le spectre d'un possible éclatement de la zone euro, même si les responsables européens se veulent rassurants.

«Il faut que tout le monde, et les investisseurs aussi, entendent le message de l'Europe, "nous sauverons l'euro", c'est un outil qui ne sera pas pris en otage par la spéculation», a affirmé lundi le ministre français du Budget François Baroin.