Le gouvernement irlandais luttait lundi pour régler les problèmes financiers du pays sans aide extérieure, malgré la pression grandissante de ses partenaires européens qui s'alarment d'une contagion au reste de la zone euro.

«Nous devons résoudre nos problèmes nous-mêmes», a martelé le ministre irlandais des Affaires européennes, Dick Roche.

«Des contacts se poursuivent à un niveau officiel avec des responsables internationaux à la lumière des conditions actuelles du marché», avait reconnu auparavant un porte-parole du ministère des Finances, en ajoutant aussitôt: «l'Irlande n'a pas fait de demande pour une aide extérieure».

Les autorités irlandaises tentent depuis plusieurs jours de convaincre qu'elles peuvent s'en sortir seules, une intervention extérieure risquant d'être vécue dans le pays comme une perte intolérable de souveraineté dans un contexte politique déjà très tendu.

«La souveraineté de ce pays a été gagnée de haute lutte et le gouvernement n'a pas l'intention de l'abandonner à qui que ce soit», a déclaré ce week-end le ministre des entreprises Batt O'Keeffe.

Mais, selon plusieurs médias britanniques, des «discussions d'urgence» ont eu lieu dimanche soir à Bruxelles sur les conditions d'une aide à l'Irlande qui pourrait atteindre quelque 90 milliards d'euros.

La situation en Irlande suscite des «tensions» et des inquiétudes pour la stabilité financière «dans l'ensemble de la zone euro», a estimé lundi un porte-parole de la Commission européenne, tout en affirmant à son tour qu'une aide à Dublin n'était pas à l'ordre du jour.

L'Irlande a vu les rendements sur sa dette souveraine s'envoler la semaine dernière à des niveaux sans précédent, les investisseurs privés se délestant de leurs obligations irlandaises par crainte que le pays n'arrive pas à juguler son déficit abyssal. Celui-ci est estimé à 32% du Produit intérieur brut (PIB) cette année, creusé surtout par le renflouage des banques du pays.

Les pays de la zone euro s'inquiètent d'une «contagion» de la situation irlandaise à des pays comme le Portugal ou l'Espagne, dont les taux d'emprunt à long terme ont également flambé.

Le ministre portugais des Finances, Fernando Teixeira dos Santos, a d'ailleurs lancé un appel indirect au gouvernement irlandais pour qu'il accepte une aide extérieure afin de calmer les marchés. Il a espéré que Dublin prendra la décision «la plus appropriée à la fois pour l'Irlande et pour l'euro», dans une déclaration à l'agence Dow Jones Newswires.

Les taux irlandais et portugais étaient élevés mais stables lundi, profitant toujours d'une déclaration conjointe rassurante de cinq ministres des Finances européens vendredi dans le cadre du G20.

Le porte-parole du ministère irlandais des Finances a réaffirmé lundi que «l'Irlande est totalement financée» jusqu'à mi-2011. Mais, selon certains analystes, le coût déjà faramineux du sauvetage des banques irlandaises (environ 50 milliards d'euros) pourrait être encore revu à la hausse et obliger Dublin à emprunter plus tôt que prévu.

Le quotidien Irish Independent avançait d'ailleurs que l'Irlande pourrait demander à ce que les banques bénéficient du fonds de sauvetage européen, permettant au gouvernement de régler ses difficultés sans passer sous la tutelle budgétaire de Bruxelles.

Le regain de tension sur l'Irlande intervient dans un contexte politique périlleux, le gouvernement devant présenter le 7 décembre au Parlement un budget de rigueur, dans le cadre d'un plan quadriennal d'austérité.

Le gouvernement de centre-droit, impopulaire, ne dispose que d'une majorité de trois voix, qui pourrait encore fondre après une élection partielle le 25 novembre.

L'UE prête à aider

Les Européens sont «prêts» si nécessaire à apporter une aide financière à l'Irlande, mais «les conditions ne sont pas réunies pour l'instant», Dublin n'ayant pas besoin de liquidités dans l'immédiat, a affirmé lundi à l'AFP une source européenne.

Interrogée, à la veille de deux jours de réunion à Bruxelles des ministres des Finances, sur la possibilité de déclencher l'aide financière de l'Union européenne en faveur de l'Irlande, cette source a répondu: «On est prêt à aller jusqu'à l'option maximale, si besoin était».

«Or les conditions ne sont pas réunies pour l'instant: l'Irlande ne l'a pas demandé et ses besoins de financement sont largement couverts jusqu'à mi-2011», a-t-elle ajouté.

Les rumeurs ont enflé ces derniers jours sur un éventuel recours de l'Irlande à l'aide financière de l'UE, mais la Commission européenne et Dublin ont affirmé qu'aucune demande n'était formulée ou sur le point de l'être.

Même si les conditions de financement de ce pays sont dégradées sur les marchés, en raison d'une hausse des taux d'intérêt pour emprunter de l'argent, «cela n'affecte pas directement l'Irlande car elle n'a pas besoin de faire appel aux marchés pour une période assez longue», a poursuivi cette source.

«Le sujet n'est donc pour le moins pas mûr», a-t-elle estimé.

En outre, a-t-elle ajouté en précisant que la situation de l'Irlande serait «bien évidemment discutée cette semaine à Bruxelles», «si jamais on s'engageait dans cette voie-là, il faudrait qu'on trouve le mix d'outils pertinent». «Ces choses-là peuvent se traiter le cas échéant par des solutions financières intermédiaires, on a une palette d'options à notre disposition pour régler le problème», a assuré cette source sans énumérer les solutions éventuelles.

«On est capables de graduer notre dispositif d'aide financière de manière plus ou moins forte sans avoir recours à un décaissement immédiat de milliards d'euros qui vont dans le Trésor de tel ou tel Etat», s'est-elle bornée à expliquer.

Selon cette source, les Européens sont aussi «préoccupés» par la question de l'accès aux marchés de certains pays dits «périphériques», comme le Portugal ou l'Espagne. «La défiance sur tous les périphériques fait qu'on a des conditions de financement qui dégradent leur situation financière, c'est un cercle vicieux qui se met en place», a-t-elle relevé.

Les ministres des Finances de cinq pays européens, dont l'Allemagne et la France, avaient publié vendredi en marge du G20 à Séoul une déclaration conjointe pour tenter de ramener la confiance sur les marchés.

«La situation s'est un peu améliorée, mais pas autant qu'on le souhaiterait, avec le communiqué des cinq ministres», a estimé lundi cette source.

«Il faut rassurer suffisamment les marchés (...) on ne va pas se satisfaire d'une situation où les taux d'intérêts restent durablement élevés», a-t-elle ajouté, mais «il faut trouver le bon outil, le bon discours et la bonne stratégie pour répondre aux attentes des marchés».