La question se pose chaque fois: les rencontres entre leaders du groupe des 20 sont-elles utiles? Plusieurs estiment que oui, dont deux acteurs de premier plan qui ont pourtant l'habitude d'être en désaccord: le premier ministre Stephen Harper et le magazine The Economist.

«Dans les moments les plus sombres de la crise, le G20 a donné des résultats impressionnants», peut-on lire dans un éditorial publié dans le dernier numéro de la publication britannique.

«Si toutes ces rencontres n'avaient pas eu lieu, je ne sais pas quelle serait la situation économique aujourd'hui», a quant à lui noté le directeur des communications de Stephen Harper, Dimitri Soudas, lors d'une séance d'information à Ottawa, il y a quelques jours.

Bien que le gros de la crise économique soit passé, le sommet de deux jours qui s'amorce demain en Corée du Sud mettra à l'épreuve encore une fois la capacité des pays membres de travailler ensemble.

«Quand il y a eu la crise, il y a deux ans, le G20 a su maintenir sa cohésion, analyse l'ancien ministre des Finances et des Affaires étrangères du Canada, John Manley. Mais maintenant, la situation est différente. On verra si les pays dont les intérêts divergent seront capables de coordonner leurs efforts.»

Dossiers délicats

Les chefs d'État devront se pencher sur plusieurs dossiers délicats à ce cinquième sommet depuis qu'ils ont pris la barre du G20, à l'automne 2008, à Washington.

Il y a évidemment toute la question de la reprise financière, au moment où plusieurs pays sont aux prises avec un endettement monstre, où le marché de l'emploi demeure chancelant et où des gouvernements, comme la Grande-Bretagne, optent pour des mesures d'austérité draconiennes.

Il y a également cette «guerre de la monnaie» que se livrent notamment les deux principaux géants de l'ordre économique mondial: la Chine et les États-Unis. Les Américains reprochent aux Chinois de maintenir le yuan artificiellement bas afin d'avantager leurs exportations. La Chine, en revanche, ainsi que plusieurs autres pays et la zone euro, reprochent aux États-Unis d'avoir imprimé de l'argent la semaine dernière pour acheter des bons du Trésor - une pratique qui promet d'injecter une masse de capitaux à l'échelle mondiale.

Dans un tel contexte, les 20 réussiront-ils à relever le défi de la cohésion?

«Réussite ou échec, ça dépend toujours des attentes ou des objectifs», croit Patrick Leblond, professeur à l'École supérieure d'affaires publiques et internationales de l'Université d'Ottawa.

Le spécialiste des questions de gouvernance économique mondiale indique d'entrée de jeu qu'il serait surprenant que la rencontre donne lieu à un accord sur la question des devises. Selon lui, le terrain d'entente prendra plutôt la forme d'un cadre plus ou moins rigide, laissant une certaine marge de manoeuvre aux pays membres.

«Ça va être un énoncé du type: la modération a bien meilleur goût», prévoit le professeur.

Martial Foucault, qui enseigne l'économie politique à l'Université de Montréal, abonde dans son sens: par exemple, la proposition mise de l'avant par les États-Unis pour limiter le déséquilibre commercial en plafonnant l'excédent ou le surplus des comptes courants à 4% a peu de chances d'être adoptée.

Cela ne veut pas dire pour autant que l'on doive se contenter de propositions trop floues, ou trop vagues.

«L'efficacité du G20, cette fois, va dépendre des propositions concrètes, qui manquaient à Toronto», estime Martial Foucault.

«Le G20 continuera de valoir la peine uniquement s'il s'en tient aux limites du possible», renchérit The Economist.

Heureusement pour eux, les participants arrivent à Séoul avec déjà deux ententes en poche, qu'il ne reste qu'à finaliser. La première rééquilibre le pouvoir au FMI pour donner une plus grande participation aux puissances émergentes. La seconde, Bale 3, fixe une quantité minimale de capitaux que les banques devront détenir pour éviter une nouvelle crise financière.

«Je pense que c'est là que l'on voit l'utilité du G20, note Patrick Leblond. Moins que de conclure de grands accords, c'est de donner des directives et de maintenir la pression sur des organisations internationales, pour en arriver à des nouvelles règles de gouvernance économique mondiale.»

- Avec Joël-Denis Bellavance