La Banque centrale européenne a maintenu jeudi ses taux directeurs inchangés et devait s'exprimer sur des dossiers sensibles, dont le projet de mécanisme anti-crise de l'UE et la nouvelle intervention massive de la Fed pour soutenir l'économie américaine.

Le président de la BCE Jean-Claude Trichet doit s'exprimer en conférence de presse à partir de 9h30 au siège de l'institution à Francfort à l'issue de la réunion mensuelle du conseil des gouverneurs, qui a décidé sans surprise de garder inchangé le principal taux directeur à 1%.

Les dirigeants de l'Union européenne, réunis la semaine dernière à Bruxelles, ont décidé de réviser le Traité de Lisbonne pour introduire un mécanisme de gestion des crises, mais qui ne tient pas compte de plusieurs attentes des gardiens de l'euro.

La BCE défendait le principe d'un mécanisme de sanctions automatiques pour les États ne respectant pas les critères européens de stabilité des finances publiques. Car «la tendance au pardon prévaut lorsque de futurs resquilleurs potentiels doivent juger des resquilleurs du présent», a estimé lundi Lorenzo Bini Smaghi, membre du directoire de la BCE.

L'institution monétaire est aussi opposée à une procédure de restructuration ordonnée de la dette d'un État défaillant, un principe adopté par les gouvernements devant l'insistance de l'Allemagne.

«Du point de vue de la banque centrale, cela risque d'entraîner une flambée du coût des emprunts des États membres les plus fragiles», selon Marco Annunziata, économiste en chef chez UniCredit.

D'ailleurs dans la foulée du sommet européen de Bruxelles, les taux obligataires pour l'Irlande et le Portugal, deux pays de la zone euro aux finances publiques particulièrement détériorées, se sont tendus.

Ces tensions auraient poussé la BCE à acheter des obligations irlandaises mardi, selon une source de marché interrogée par Dow Jones Newswires.

La BCE n'est plus intervenue sur le marché obligataire depuis début octobre. Son programme d'achats d'obligations publiques plafonne à 63,5 milliards d'euros.

Cette mesure inédite dans l'histoire de la BCE, lancée début mai pour stabiliser les marchés en pleine crise de la dette grecque, est une pierre d'achoppement entre Jean-Claude Trichet et Axel Weber, le président de la Bundesbank et prétendant officieux à la succession du Français à l'automne 2011.

M. Weber n'a jamais raté une occasion de manifester son opposition à ce programme, craignant qu'il n'incite les États à s'endetter encore davantage.

La BCE, qui garde toujours à l'esprit l'idée d'un retrait graduel de ses mesures non conventionnelles, se situe actuellement aux antipodes de la Fed, qui a décidé mercredi d'injecter 600 milliards de dollars supplémentaires dans l'économie américaine pour soutenir sa reprise et les prix.

La décision de la Fed a poussé l'euro à des nouveaux sommets: jeudi en fin de matinée il évoluait au-dessus de 1,42 dollar pour la première fois depuis janvier.

«Si l'euro grimpe très fort en raison de la politique monétaire expansive (de la Fed), les exportations de l'UE en souffriraient (...) et cela pourrait avoir des conséquences sur la politique monétaire de la BCE» sur le long terme, a déclaré à l'AFP l'économiste Michael Schubert de Commerzbank.

En revanche le volontarisme de la Fed ne devrait pas avoir de conséquences sur le calendrier de retrait des mesures exceptionnelles de la BCE, selon lui.

«Celles de la BCE sont seulement là pour limiter les tensions sur les marchés financiers. En principe leur retrait dépend de l'arrivée ou non de nouvelles tensions, comme par exemple en Irlande, mais pas tellement de la politique de la Fed», a ajouté M. Schubert.