«Aïe!» C'est avec cette interjection que plusieurs publications britanniques ont accueilli les coupes draconiennes du gouvernement Cameron annoncées la semaine dernière: suppression de 490000 emplois dans la fonction publique, amputation de 18 milliards de livres pour les assistés sociaux. Le plan d'austérité pour éliminer le déficit budgétaire tuera-t-il la reprise au royaume?

La Grande-Bretagne est sortie en janvier de sa pire récession depuis la Seconde Guerre mondiale. Mais pour Sandra, mère de famille monoparentale, elle n'est toujours pas terminée. Sans emploi depuis un an, la femme de 47 ans se serre la ceinture pour nourrir ses deux enfants.

Maintenant que le ministre des Finances, George Osborne, entend sabrer les programmes sociaux, elle attend de voir ce qu'il adviendra de ses maigres allocations familiales.

«Je dois déjà réduire de 30 livres sterling (50$CAN) par mois nos dépenses, dit la dame, qui préfère taire son nom de famille. Cela peut sembler peu, mais ça représente une semaine d'épicerie pour nous.»

David Cameron ne pourra pas compter sur les chômeurs comme Sandra, au nombre de 2,5 millions, pour accroître leurs dépenses et donc, stimuler l'économie.

En réalité, la sinistrose contamine l'ensemble des consommateurs, dont la confiance a dégringolé de 9 points en septembre, pour atteindre 59 points sur le baromètre de la banque Nationwide.

En dépit de la croissance-surprise du produit intérieur brut (PIB) de 0,8% au dernier trimestre, annoncée hier, les économistes s'entendent sur un point: les mesures de Cameron, beaucoup plus sévères que sous Margaret Thatcher, mettront du plomb dans l'aile de la fragile reprise.

Les coupes de 81 milliards de livres sterling (150 milliards CAN) et les hausses d'impôts de 30 milliards pour ramener le déficit à 1,1% du PIB en 2015 frapperont toute la population.

Et c'est sans compter l'augmentation de la taxe de vente sur les biens et services, qui passera de 17,5% à 20% en janvier 2011.

«La consommation ralentira sans aucun doute l'an prochain, explique à La Presse Bronwyn Curtis, de HSBC. Les plus fortunés préféreront rembourser leurs dettes plutôt que d'être frivoles. Les banques seront moins généreuses. Les employeurs attendront que la tempête passe avant d'embaucher de nouveau. C'est le scénario probable, mais pour combien de temps? Personne ne le sait.»

Pression sur les employeurs

Malgré tout, le premier ministre britannique a tendu la main au secteur privé cette semaine pour compenser l'abolition de 490 000 postes dans la fonction publique au cours des quatre prochaines années.

«Travaillez avec moi pour que la Grande-Bretagne redevienne prospère», a-t-il demandé à la Confédération de l'industrie britannique lundi.

Or, alors que le gouvernement, optimiste, table sur la création d'un million d'emplois dans les entreprises, des analystes, comme John Hawksworth, prédisent plutôt la mise à pied de 450 000 employés.

«Puisque le gouvernement lui-même achètera moins de produits et de services, cela aura un impact chez les détaillants et les grossistes», explique en entrevue téléphonique John Hawksworth, chef économiste à PricewaterhouseCoopers.

Bien sûr, tout n'est pas noir. Le taux directeur extrêmement bas, soit à 0,5%, et la dévaluation de la livre sterling devraient maintenir à flot les exportations et la main-d'oeuvre manufacturière et touristique.

Tout dépendra aussi de la réponse de la Banque d'Angleterre, qui s'évertue à injecter des liquidités dans l'économie depuis mars 2009. «Si la banque a toujours des munitions, elle poursuivra sans doute son programme d'assouplissement quantitatif», dit Ethan Ilzetzki, professeur en économie à la London School of Economics.

Il n'empêche que la majorité des Britanniques rencontrés par La Presse broient du noir ces jours-ci. «Je n'ose pas imaginer quel sera l'état des choses quand mon fils aura mon âge», dit Daria Hemmings, 22 ans, mère de famille monoparentale et sans emploi.