Après les banques, les agences de notation ou les fonds spéculatifs, la Commission européenne continue de tirer les leçons de la crise financière en se penchant sur le secteur de l'audit, qu'elle aimerait voir plus indépendant et moins dominé par quelques grands acteurs.

Les sociétés d'audit vérifient et certifient les comptes des entreprises. Elles sont censées «fournir des garanties quant à la véracité de la santé financière des entreprises», rappelle un livre vert sur le sujet publié mercredi en vue d'une consultation.

«Peu de gens avaient vu venir cette crise financière, pas plus les sociétés d'audit que les autres, alors qu'elles étaient en première ligne puisqu'elles vérifiaient les comptes des plus grandes banques», a noté le commissaire chargé des services financiers, Michel Barnier.

«C'est pourquoi nous nous posons des questions», a-t-il dit.

Bruxelles s'inquiète tout particulièrement de la domination de quatre sociétés, baptisées les «big four»: Deloitte, Ernst and Young, KPMG et PriceWaterhouseCoopers.

Elles représentent 90% de part de marché en moyenne dans l'UE pour les audits de sociétés cotées, et même 99% au Royaume-Uni. «Est-il parfaitement sain d'avoir un tel oligopole?» s'est interrogé M. Barnier.

«Nous pensons qu'une telle concentration peut présenter des risques systémiques», a-t-il souligné. «Si demain l'une des "big four" venait à être défaillante, je vous laisse imaginer ce qui adviendrait pour 20-25% des entreprises, clientes de cette société.»

Une telle défaillance n'est pas impossible: on parlait encore de «big five» jusqu'à 2002 et la faillite d'Andersen, entraînée dans le scandale Enron.

Pour limiter les risques, Bruxelles suggère de demander aux grandes sociétés d'audit un «testament», réglant leur démantèlement en cas de faillite, ou de généraliser les «audits conjoints», associant une des «big four» à un cabinet plus petit.

Cette dernière solution permettrait non seulement d'assurer une continuité en cas de faillite d'un des auditeurs, mais aussi d'ouvrir davantage le marché à la concurrence.

Les «big four» profitent en effet d'un «gage de bonne réputation» parce qu'elles auditent de grandes sociétés cotées, ce qui leur permet de gagner de nouveaux contrats au détriment d'autres sociétés d'audit qui «pâtissent d'un manque de reconnaissance de leurs capacités», relève le document.

Bruxelles propose également d'instaurer une rotation obligatoire des sociétés qui vérifient les comptes d'une même entreprise, ce qui signifierait plus de concurrence, mais aussi d'indépendance pour les auditeurs.

«Les situations où une société désigne le même cabinet d'audit depuis des dizaines d'années ne semblent pas répondre aux normes d'indépendance souhaitables», précise le livre vert.

Pour éviter les conflits d'intérêt, Bruxelles s'interroge aussi sur la rémunération des auditeurs (aujourd'hui effectuée par l'entreprise auditée) et une éventuelle limitation de leurs activités annexes (dans le conseil par exemple) ou de la proportion de leurs revenus tirée d'un seul client.

Elle réfléchit enfin aux moyens de créer un véritable marché commun européen de l'audit, avec des règles harmonisées.

Aujourd'hui, les auditeurs doivent se soumettre à des règles différentes dans chaque pays de l'UE où elles exercent.

Sur le modèle d'autres secteurs, Bruxelles envisage un mécanisme de «passeport européen» valable pour toute l'UE, mais aussi une supervision centralisée, éventuellement par un nouveau régulateur européen.