Tout sur le local, s'adapter au consommateur, miser sur ses points forts, financer son développement avec le dividende des actionnaires: les recettes des entreprises des pays émergents sont simples mais s'avèrent efficaces pour damer le pion à la crise.

Alors que les sociétés des économies développées (États-Unis et Europe) ont fortement pâti de la crise, surtout l'an dernier, leurs consoeurs dans les pays émergents présentent une croissance insolente pour la plupart, selon une étude du cabinet d'audit international Ernst & Young.

Cette enquête, baptisée les «héros émergents», étudie les raisons du succès des sociétés de pays émergents malgré la crise. Elle a été réalisée en juillet et août dans 47 pays (de la Chine au Zimbabwe en passant par le Brésil, l'Inde, l'Afrique du sud ou la Russie) et auprès de 547 chefs d'entreprises de secteurs hétéroclites, dont le chiffre d'affaires dépasse les 500 millions de dollars.

Un tiers (34%) de ces «héros émergents» a vu et ses bénéfices et son chiffre d'affaires croître de plus de 20% lors des trois dernières années.

À l'opposé, le chiffre d'affaires et les profits des 100 plus grosses entreprises cotées aux États-Unis ont diminué respectivement en moyenne de 2% et de 20%.

Constat tout aussi noir pour les 100 premières entreprises européennes composant l'indice londonien Footsie: leurs ventes ont baissé en moyenne de 8% et leurs bénéfices de 25% sur la même période.

«Le vent a complètement tourné», commente le superviseur de cette étude, Alexis Karklins. Selon lui, le temps où était copiée la gestion des entreprises «made in west» est complètement révolu.

«C'est maintenant aux marchés développés d'incorporer et d'évaluer comment et pourquoi ces entreprises (dans les pays émergents») ont continué à croître, en dépit d'un environnement économique mondial difficile», souligne-t-il.

Derrière le miracle, deux stratégies: l'offensive tous azimuts pour générer des recettes, en frappant des grands coups, un mode prisé des «héros» au Brésil et en Inde, ou bien la tactique des petits pas, très en cours en Chine.

Les «héros émergents» se sont d'abord renforcés sur leurs marchés domestiques en affinant les produits existants et en en créant de nouveaux, tout en rachetant les concurrents.

«Notre marché domestique est notre priorité, indique Harvinder Singh, fondateur du groupe technologique malaisien Incontrol Tech, cité dans l'étude. Ca nous a permis de gagner de nouvelles parts de marché.»

«Nous prenons en compte ce que la Chine sera demain», enchérit Yan Huiping, directeur financier de la chaîne hôtelière chinoise Home Inns, passée de 200 à 600 hôtels depuis 2008.

Ces entreprises ont resserré leurs relations avec leurs clients en s'adaptant notamment à leurs habitudes. Le but est «de renforcer la confiance en notre marque», explique ainsi Norival Bonamichi, président d'Ouro Fino Agribusiness au Brésil.

«Au lieu de développer des stratégies hautement innovantes, nos héros émergents sont des entreprises qui ont juste très bien fait des choses simples», conclut M. Karklins.

Leur prospérité repose aussi sur l'utilisation de leur trésorerie et de leurs bénéfices pour financer leur croissance au lieu de verser un dividende aux actionnaires.

«Les bénéfices que nous avons générés, et que nous avons réinjectés dans le groupe, sont notre principale source de financement», confie Ferenc Bodrogai, PDG du papetier hongrois Forest Papir.

Contrairement aux entreprises occidentales, seuls 5% ont mis l'accent sur la réduction des coûts ou l'externalisation d'une partie de leurs activités.

Les entreprises occidentales, pétrifiées par la crise, ont souvent opté de leur côté pour la prudence, en amassant de l'argent liquide au détriment des investissements.