Évasion fiscale, travail au noir, avantages en nature et corruption: l'activité qui échappe aux statistiques pourrait atteindre 30% du produit intérieur brut en Chine, selon une enquête récente qui a déplu aux économistes officiels.

Ces revenus cachés bénéficient surtout aux citadins les plus aisés, souligne l'enquête réalisée auprès de plus de 4000 foyers urbains par Wang Xiaolu, directeur adjoint de l'Institut de recherche sur l'économie nationale et publiée par le Crédit Suisse.

Selon M. Wang, le revenu disponible des 10% de Chinois les plus riches s'élevait en 2008 à 139 000 yuans (21 000$ CAN) par an, et non à 44 000 yuans (6750$ CAN), comme l'affirme le Bureau national des statistiques.

Les 10% de Chinois les plus riches gagneraient donc 26 fois plus que les 10% les plus pauvres, et pas seulement neuf fois plus comme l'affirment les chiffres officiels.

Par définition opaques, ces revenus ont des origines variées.

«Les avantages en nature de toutes sortes distribués par les entreprises peuvent dans certains cas être plus importants que les salaires proprement dits», explique à l'AFP Zhong Dajun, qui dirige le Centre de recherche et d'observation de l'économie, un organisme indépendant.

Ces avantages, notamment en bons d'achat à utiliser dans certains magasins de vêtements ou de joaillerie ou en voyages d'entreprise, éventuellement jusqu'en Europe, représentent selon lui de 20 à 30% des revenus cachés.

La corruption, comme les pots-de-vin versés pour l'inscription dans une école ou l'obtention d'un permis de construire, constitue environ 30% du total, le reste étant l'économie informelle. Cette dernière pèse à elle seule «au moins 15% du PIB», selon M. Zhong.

Piqué au vif par la mise en cause de ses chiffres, le Bureau national des statistiques a réagi à l'enquête «sujette à caution» du Pr Wang, mettant en cause la faible taille de l'échantillon et sa représentativité, tout en reconnaissant qu'il est «probable que les revenus de la population soient sous-estimés».

«L'enquête a été réalisée essentiellement sur la base de relations personnelles des chercheurs parce qu'ils espéraient qu'ils obtiendraient ainsi des réponses plus honnêtes», explique Arthur Kroeber, du cabinet de consultants Dragonomics.

Mais les conclusions de M. Wang sont dans l'ensemble correctes, selon cet observateur.

«Si les revenus étaient aussi bas que ce que suggèrent les données officielles, il est très difficile de comprendre comment autant de Chinois achètent des voitures», selon M. Kroeber. Mais si les revenus réels sont pris en compte, l'achat d'une voiture devient économiquement raisonnable pour environ 100 millions de personnes, poursuit l'économiste.

Or la Chine est devenu l'an dernier le premier marché automobile de la planète avec 13,6 millions de véhicules vendus. Dans les rues des grandes villes comme Pékin ou Shanghai, il s'agit très souvent de berlines rutilantes, avec une prédilection pour les Mercedes, BMW ou Lexus les plus luxueuses.

Selon Zhong Dajun, le problème des revenus cachés est aussi d'ordre politique. «Beaucoup de gens sont réticents à payer leurs impôts parce qu'ils ne reçoivent pas beaucoup de prestations sociales en retour».

Patrick Chovanec, un ancien banquier d'affaires qui enseigne aujourd'hui le management à Pékin assure que «quiconque a fait des affaires en Chine et examiné des livres de comptes sait que beaucoup d'entreprises en ont plusieurs. Celui qu'elles montrent au fisc, celui destiné aux investisseurs et le vrai».