Touchée par une canicule sans précédent et des incendies ravageurs, la Russie, qui se remet tout juste de la crise économique mondiale, va voir sa croissance déjà modeste freinée encore un peu plus cette année, selon des experts.

Les estimations officielles ne devraient être annoncées que d'ici plusieurs mois, mais plusieurs économistes interrogés par l'AFP évaluent déjà le préjudice de ce désastre entre 7 et 15 milliards de dollars (5 et 11 milliards d'euros).

«La croissance économique en Russie est en train de ralentir et la vague de chaleur va encore la ralentir un peu plus», a commenté Alexandre Morozov, économiste en chef de HSBC en Russie.

Alors que l'économie russe s'est violemment contractée de 7,9% en 2009 avec la crise mondiale, les autorités tablent sur une croissance de 4% du PIB en 2010, grâce à la remontée progressive des cours des hydrocarbures, dont les ventes représentent 60% des exportations du pays.

De leur côté, les institutions financières internationales ont jusqu'à présent pronostiqué des taux de croissance supérieurs, tout en soulignant que la reprise demeurait fragile. Dans son dernier rapport publié en juin, la Banque mondiale (BM) a ainsi jugé qu'elle était «cahoteuse», pointant de nombreuses faiblesses structurelles.

Selon M. Morozov, les coûts de la vague de chaleur devraient s'élever à 1% du PIB, soit 15 milliards de dollars, le secteur agricole payant le plus lourd tribut.

«La sécheresse devrait provoquer une chute de 30 à 33% des récoltes de céréales» cette année, a-t-il expliqué. Lundi, le premier ministre Vladimir Poutine a annoncé une nouvelle révision à la baisse des prévisions de récolte de céréales pour 2010, à 60-65 millions de tonnes, contre 97 millions de tonnes récoltées en 2009.

Par ailleurs, «en raison de la canicule et de la fumée, les entreprises annoncent la fermeture de lignes de production et la réduction des horaires de travail», indique l'économiste qui précise toutefois que cette estimation ne tient pas compte de la hausse de la mortalité et de la morbidité.

Vladimir Tikhomirov, économiste en chef de la banque d'investissement moscovite Ouralsib, est pour sa part légèrement plus optimiste: si la canicule se poursuit jusqu'à fin août, les pertes devraient être comprises entre 0,5 et 1% du PIB, soit entre 7 et 14 milliards de dollars (5 et 10 milliards d'euros).

«Mais c'est le pire scénario», a-t-il précisé à l'AFP, estimant que les conséquences des vacances forcées, de la hausse de la mortalité et des maladies seraient compensées par une reprise de l'activité économique un peu plus tard dans l'année.

Toutefois, la sécheresse, qui sévit depuis plusieurs mois dans le pays et qui a poussé le gouvernement à décréter un embargo sur les exportations de grains jusqu'à la fin de l'année, devrait avoir un sévère impact sur l'inflation, fléau que la Russie était en train d'éradiquer.

La banque ING a ainsi relevé ses prévisions pour 2010 et 2011 à 8,5% et 9,5-10%, contre respectivement 6,8% et 7,6% anticipés auparavant.

Jusqu'à présent, les autorités tablent officiellement sur une hausse des prix à la consommation comprise entre 6 et 7%, contre 8,8% en 2009, mais face à la catastrophe naturelle, le ministère du Développement économique a récemment admis le risque d'une accélération de l'inflation dès septembre.

Dans cette perspective, le gouvernement, inquiet d'éventuels troubles sociaux, a décidé de plafonner les prix d'une vingtaine de produits alimentaires.