«Le boycott, c'est du terrorisme économique!», fulmine Avi Elkayam, un homme d'affaires israélien qui dirige l'association des industriels de Mishor Adoumim, une colonie juive de Cisjordanie.

Même s'il reconnaît que ce boycott «n'a qu'un impact minime» sur les affaires, M. Elkayam s'inquiète pour l'avenir.

Avec l'ambition de préparer l'avènement d'un Etat indépendant, l'Autorité palestinienne organise un boycottage des produits provenant des 120 implantations juives de Cisjordanie occupée, une décision qui a l'assentiment de la «rue palestinienne».

L'Autorité envisage aussi de sanctionner les Palestiniens qui continueraient d'aller travailler dans les colonies après le 1er janvier prochain, une mesure beaucoup moins populaire.

Le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a fustigé l'appel au boycott, jugeant que «malgré nos efforts pour développer une paix économique, les Palestiniens prennent des décisions qui vont à l'encontre avant tout de leurs intérêts».

Avec ses 300 industries, la zone industrielle de Mishor Adoumim fournit plus de 3.000 emplois aux Palestiniens de la région sur les 22.000 travaillant dans des entreprises israéliennes en Cisjordanie.

Avi Elkayam, 35 ans, dirige une société de confiserie avec un chiffre d'affaires d'un million de shekels (200 000 euros), dont 5% proviennent des Territoires palestiniens.

«Nous savons comment contourner ce boycottage, en changeant les étiquettes sur nos produits, par exemple», explique-t-il, assurant qu'aucune entreprise de Mishor Adoumim n'a fermé à cause de l'embargo palestinien.

Mais quand on évoque l'assèchement de la main d'oeuvre palestinienne, il s'emporte: «Depuis 20 ans, nous sommes ensemble ici, Palestiniens et Israéliens, pourquoi vouloir tenter de briser cette coexistence?»

Une responsable de l'entreprise voisine, qui préfère garder l'anonymat, ne cache pas ses craintes.

Elle vend ses produits dans le monde entier, parfois avec des étiquettes affichant une autre provenance que celle de son usine de Cisjordanie afin de contourner les campagnes internationales de boycott. Les colonies sont considérées comme illégales par la communauté internationale.

Plus de 200 Palestiniens, en majorité de Jéricho, se rendent chaque matin dans cette usine.

«Nous dépendons de ces Palestiniens pour la fabrications de nos produits et ils dépendent de nous pour nourrir leurs familles», précise-t-elle.

Au supermarché Rami Lévy, dans la colonie du Gush Etzion, près de Bethléem, troisième magasin de cette chaîne installé en Cisjordanie, les clients palestiniens côtoient les Israéliens, en majorité des colons venus des implantations voisines.

Le directeur du supermarché, Ovadia Lévy, dont plus de la moitié des 110 employés sont des Palestiniens, est confiant: «Ils continueront d'acheter chez nous car les prix sont attractifs, il y a un plus grand choix de produits que chez eux», assure-t-il.

Il est convaincu que les premières victimes du boycottage seront les Palestiniens eux-mêmes.

«Ils ont besoin de nourrir leurs enfants, l'Autorité palestinienne ne leur offre aucune alternative», souligne-t-il.

C'est ce que pense Moussa Johar, un Palestinien de 55 ans, habitant d'un village voisin, qui déclare: «Personne ne va me dire comment je vais gagner ma vie».

«Nous ne faisons pas de politique, nous voulons continuer à pouvoir ramener de l'argent à la maison et ce n'est pas l'Autorité palestinienne qui va me nourrir», argue cet ouvrier du BTP.