L'Irlande, premier pays de la zone euro tombé en récession début 2008, en est officiellement sortie au début de l'année, selon des statistiques publiées mardi, mais les économistes ont souligné les déséquilibres de cette reprise économique, qui ne profite pas à l'emploi.

Après deux ans de chute record, l'économie irlandaise a enfin renoué avec la croissance au premier trimestre. Selon l'Office central des statistiques, le CSO, le Produit intérieur brut du pays a bondi de 2,7% par rapport au trimestre précédent, et est ressorti en baisse de 0,7% par rapport à un an plus tôt.Ce fort rebond a été alimenté par une progression de près de 7% des exportations, qui ont été dopées par la faiblesse de l'euro.

L'Irlande, longtemps champion de la croissance de la zone euro, ce qui lui avait valu le surnom de «tigre celtique», avait été son premier membre à entrer en récession, début 2008. Et elle est l'un des derniers à en sortir, même si c'est en avance sur les prévisions du gouvernement, qui n'attendait le retour à la croissance qu'au deuxième semestre.

Le ministre des Finances Brian Lenihan a salué ces chiffres, qui «suggèrent que les perspectives de croissance pour cette année sont meilleures qu'anticipé». Il a relevé que la croissance du premier trimestre était la plus élevée de tous les pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Mais tout n'est pas rose pour autant.

Tout d'abord, le CSO a aggravé l'estimation de la chute record du PIB en 2009, désormais évaluée à 7,6%, contre 7,1% initialement. L'économie irlandaise avait déjà subi une contraction sans précédent de 3,5% en 2008.

Surtout, le Produit national brut (PNB), qui exclut l'activité réalisée par les très nombreuses entreprises étrangères installées dans l'île (notamment dans les secteurs pharmaceutique et informatique), a enregistré un repli de 0,5% par rapport au trimestre précédent, et de 4,2% sur un an.

Ce qui fait dire à Rossa White, économiste au cabinet Davy, que «l'Irlande est une économie à deux vitesses» : «la partie de l'économie appartenant à des groupes étrangers s'est rétablie, tandis que le reste est à la traîne».

Résultat, elle dit tabler sur une croissance de 1% du PIB sur l'ensemble de l'année, mais sur un nouveau repli du PNB.

De plus, le taux de chômage a grimpé en juin à 13,4% de la population active, son plus haut niveau depuis 16 ans, et le nombre de personnes indemnisées a atteint un sommet dans l'histoire du pays.

Or, comme le remarque Ronnie O'Toole, de la National Irish Bank, «dans une économie moderne, l'emploi dépend surtout de la consommation intérieure, et pas des exportations».

La semaine dernière, le Fonds monétaire international avait lui-même prévenu que le pays devrait se contenter d'une reprise à un rythme modeste, loin des taux records (10% en l'an 2000) auxquels elle s'était habituée avant la crise, avec «un faible potentiel de croissance, et un chômage élevé».

Enfin, le système bancaire irlandais, mis à genoux par la crise des subprime et l'effondrement d'une bulle immobilière entraîné par la crise du crédit en 2007, reste convalescent.

Au printemps, le gouvernement, dirigé par l'impopulaire Premier ministre Brian Cowen, avait dû lancer un plan de sauvetage qui devrait lui donner le contrôle total ou partiel de cinq des plus grandes banques du pays, via l'injection de milliards d'euros de capitaux publics.

Plus optimiste, Alan McQuaid, chef économiste de la maison de courtage Bloxham, a estimé qu'à défaut de retrouver ses taux de croissance d'antan, «l'Irlande devrait caracoler à nouveau en tête de la croissance de la zone euro sur les douze prochains mois, aidée par les exports, à condition que la crise de la dette en Europe ne vire pas à la crise tout court».