Taiwan et la Chine ont signé mardi un accord commercial historique qui va resserrer les liens économiques entre le continent et l'île séparés depuis 60 ans, et peut-être aussi les liens politiques, au grand dam de ses détracteurs à Taiwan.

L'accord-cadre de coopération économique (ACCE), signé à Chongqing, métropole du sud-ouest de la Chine, porteur de grandes opportunités commerciales potentielles, est le fruit de deux ans de rapprochement entre la Chine et l'ancienne Formose, où les nationalistes chinois avaient trouvé refuge après avoir perdu la guerre civile contre les communistes en 1949.

«Cette signature marque un tournant dans les relations économiques entre les deux parties. Elle est également un grand pas en avant pour les deux dans la tendance générale d'intégration économique régionale et de mondialisation», a déclaré le négociateur-en-chef taiwanais Chiang Pin-kung.

L'ACCE ne parle que de commerce et de taxes douanières mais à Taiwan, certains, notamment dans l'opposition, craignent qu'il ne fasse franchir une étape politiquement dangereuse à l'île, vers la réunification, alors que les Taiwanais sont fiers de la démocratie économiquement prospère qu'ils ont fini par bâtir.

«Cela pourrait rapprocher d'un pas l'île du continent (...) Au fur et à mesure que Taipei devient plus dépendant économiquement, ses options politiques se réduisent», a estimé Yang Yung-ming, spécialiste de sciences politiques à la Soochow University de Taipei.

Samedi dernier des dizaines de milliers de manifestants ont manifesté dans les rues de Taipei pour protester contre cet accord, à l'appel du Parti Démocratique Progressiste (pro-indépendance), scandant notamment «Sauvez Taïwan!».

Taiwan est de fait indépendante depuis 1949, même si Pékin la considère comme une île rebelle et n'exclut pas de recourir à la force pour la voir réintégrer le giron de la mère patrie. Selon des estimations, la Chine garde plus d'un millier de missiles pointés sur Taiwan.

Les relations bilatérales se sont grandement améliorées ces dernières années, et notamment depuis l'accession à la présidence de l'île en 2008 de Ma Ying-jeou, favorable à un rapprochement avec Pékin.

Fin 2008, les deux parties avaient franchi un pas historique en inaugurant leurs premières liaisons aériennes directes quotidiennes.

«La tension du passé s'est muée en paix. La confrontation est devenue coopération», a souligné lundi Chiang Pin-kung.

L'ACCE prévoit notamment des droits de douane préférentiels, voire nuls, sur 539 produits taiwanais, de la pétrochimie aux pièces automobiles.

Cette liste représente 16% des exportations de l'île vers la Chine continentale, qui est le premier partenaire commercial de Taiwan et la destination numéro un de ses investissements.

En sens inverse, 267 produits chinois -10,5% des exportations chinoises vers Taiwan- feront l'objet de mesures similaires.

Un économiste chinois n'a pas manqué de souligner cette différence pour l'attribuer au souci de Pékin d'être accommodant avec les 23 millions de Taiwanais.

«La Chine s'est préoccupée de l'impact de l'ACCE sur la société taiwanaise et a exprimé cette préoccupation en prenant en considération le plus possible les intérêts de Taiwan», a affirmé Tang Yonghong, économiste spécialiste de Taiwan à l'université de Xiamen (sud-est de la Chine).

Selon le gouvernement taiwanais, l'accord cadre devrait créer 260 000 emplois dans l'île et ajouter 1,7 point de pourcentage à la croissance de l'île.