Et de trois. Les travailleurs chinois d'une troisième usine de Honda ont déclenché une grève hier, exigeant de meilleurs salaires. Plusieurs PME manufacturières d'ici, qui ont déménagé une partie de leur production en Chine au cours des dernières années, ressentent aussi ce plus grand appétit des travailleurs chinois. Mais elles jugent ces demandes encore absorbables.

Le climat a changé dans les usines chinoises. Au courant des conditions de travail de leurs voisins, les travailleurs chinois exigent d'être mieux payés et de travailler dans des usines plus sûres.

«Ils surveillent plus ce qui se passe ailleurs», souligne Marcel Bourassa, le grand patron de Savaria, entreprise lavalloise qui a ouvert une usine à Huizhou, dans le sud du pays, il y a un peu plus de trois ans. C'est là que 75 employés fabriquent des composantes d'ascenseur et de produits pour personnes à mobilité réduite, comme des sièges sur rails qui permettent de monter l'escalier facilement.

Les salaires versés par Savaria à ces employés seraient supérieurs de 15% à ceux accordés par les entreprises voisines.

N'empêche, la connaissance accrue qu'ont les travailleurs chinois des conditions de leurs confrères a eu des conséquences chez Savaria. «C'est pour ça qu'on a embauché une personne responsable des ressources humaines, pour avoir une très bonne communication avec nos employés.»

«On observe qu'au cours des dernières années et en particulier depuis la loi sur le contrat de travail de 2008, les travailleurs sont davantage conscients de leurs droits, et plus motivés pour les défendre», a également constaté Geoff Crothall, du China Labour Bulletin de Hong-Kong, cité par l'AFP.

Un autre entrepreneur canadien présent en Chine depuis quatre ans, mais qui préfère ne pas être nommé, soutient que la situation dans l'empire du Milieu suit tout simplement son cours. «Plus l'économie croîtra, plus les travailleurs vont demander de meilleures conditions, comme ça a été le cas en Corée du Sud», souligne-t-il.

Encore bon marché

Comme des centaines d'autres PME canadiennes présentes en Chine, Savaria et cette autre entreprise canadienne ont accordé des hausses salariales à leurs employés au cours des dernières années. À première vue, les chiffres sont impressionnants.

Prenons le cas de Savaria. Chaque année, depuis trois ans, ses employés chinois ont reçu une augmentation de salaire de 20%. Oui, 20% de plus à chacune des trois années. Bien des travailleurs canadiens aimeraient pouvoir en dire autant.

Sauf que le travailleur d'ici aurait plus de difficulté à accepter le salaire de départ. Actuellement, les employés de Savaria gagnent 1,80$ l'heure.

Et le président de Savaria fait ce calcul: une autre hausse de 20% portera ses salaires à 2,16$ l'heure, puis autour de 2,60$ en 2012, soit des hausses horaires d'environ 40 cents. «Les 3% qu'on donne à nos travailleurs d'ici - qui gagnent 20$ l'heure - sont quand même supérieurs aux 20% de là-bas», a-t-il calculé.

Notre autre dirigeant ontarien a fait le même constat, même si le salaire de ses employés chinois a presque doublé en quatre ans.

Résultat: il paie désormais ses ingénieurs quelque 18000$ par année. «C'est 30% de ce que je paierais ici», dit-il, même après avoir inclus les coûts de transport et autres.

Des prix plus élevés?

Si la manufacture du monde fait face à une hausse importante de ses coûts de main-d'oeuvre, on est en droit de se demander si les produits consommés par les riches ménages occidentaux ne sont pas eux aussi à la veille de coûter plus cher. Mardi, les économistes de la banque UBS ont pondu un intéressant rapport sur la question.

D'abord, soulignent Tao Wang et Harrison Hu, les hausses de salaires n'ont rien de neuf: dans le secteur manufacturier, les augmentations ont atteint 14,5% en moyenne entre 2004 et 2008. Pour les cinq années précédentes, la moyenne est de 13%.

«À court terme, les marges de profit des entreprises vont être comprimées», estiment les deux économistes d'UBS. Cette hausse des salaires aidera à faire passer la Chine à une société de consommation, ajoutent-ils. Et c'est seulement à moyen terme que le coût de la main-d'oeuvre chinoise devrait avoir un impact sur l'inflation.

EN CHIFFRES

75¢

Salaire horaire moyen d'un ouvrier chinois dans le sud de la Chine. Pékin a récemment annoncé une hausse de son salaire minimum, qui passera de 123$ à 150$ par mois.

11

Nombre de travailleurs de la société Foxconn, fabricant taïwanais de composants électroniques établi en Chine, qui se seraient suicidés depuis le début de l'année.

+15%

Hausse moyenne des salaires prévue en Chine cette année, selon la firme UBS.

+16%

Croissance annuelle moyenne (en valeur nominale) de l'économie chinoise de 2004 à 2009.