Deux jours après leur rendez-vous raté de Berlin, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ont opportunément relancé mercredi leur effort de régulation des marchés financiers dans une lettre qui sonne comme un démenti aux tensions qui affectent le couple franco-allemand.

Rendu public à l'aube, le courrier du président français et de la chancelière allemande presse le président de la Commission européenne José Manuel Barroso de présenter en juillet plutôt qu'en octobre ses propositions sur l'interdiction en Europe de certaines ventes à découvert ou produits dérivés, accusés de favoriser la spéculation.«Compte tenu des évolutions récentes des marchés, nous estimons qu'il existe un besoin urgent que la commission puisse accélérer ses travaux s'agissant de l'encadrement renforcé du marché des CDS (credit default swaps) et des ventes à découvert», écrivent les deux dirigeants.

Peu apprécié à Bruxelles qui a jugé travailler aussi «rapidement» que possible, l'empressement de M. Sarkozy et Mme Merkel intervient fort à propos sur un dossier à l'origine des frictions entre Paris et Berlin.

Le mois dernier, la ministre française de l'Économie Christine Lagarde avait reproché à Berlin sa décision d'interdire unilatéralement certaines ventes à découvert sans concertation avec ses partenaires européens, s'attirant les foudres de son homologue allemand Wolfgang Schaüble.

Mme Lagarde s'est réjouie mercredi du courrier Sarkozy-Merkel. «La Commission fait un très bon travail mais il y a urgence», a-t-elle jugé en insistant sur «l'importance» de leur démarche.

Car deux jours après le report impromptu à la semaine prochaine du dîner de lundi entre le président et la chancelière, cette initiative ne pouvait pas mieux tomber pour faire taire les commentaires qu'il a alimentés sur les difficultés du couple franco-allemand, toujours divisé sur les contours d'un futur gouvernement économique de l'Europe.

L'Elysée a écarté toute «connexion» entre la lettre de mercredi et le rendez-vous manqué de lundi, officiellement dû à des problèmes d'emploi du temps côté allemand, assurant qu'elle était «dans les tuyaux» depuis la semaine dernière.

Mais d'autres ont bien voulu convenir qu'il fallait y voir une volonté de réaffirmer, malgré des divergences, l'unité de l'axe Paris-Berlin.

«Ce n'est pas anodin (...) il fallait montrer que la France et l'Allemagne travaillent ensemble», a dit le secrétaire d'État aux Affaires européennes Pierre Lellouche, «la séparation n'est pas une option».

Le dîner a été «décalé, sans doute pour de multiples raisons, peu importe», a balayé le porte-parole du gouvernement Luc Chatel, «ce qui compte, c'est que la France et l'Allemagne (...) continuent à travailler ensemble».

Et de son côté, la chancellerie a une nouvelle fois nié mercredi toute «irritation». «Le report de ce rendez-vous a été décidé en accord total des côtés français et allemand», a expliqué son porte-parole.

Mais ce discours optimiste a encore du mal à convaincre. En Allemagne, le quotidien Die Welt (droite) a regretté que «les froideurs et les malentendus se multiplient» entre les deux partenaires. Et le Frankfurter Rundschau (centre gauche) a jugé que «les impératifs de calendrier comme les tentatives d'apaisement paraissent peu crédibles».

En France, le patron des députés socialistes Jean-Marc Ayrault a considéré le report du dîner de lundi comme «une réaction d'humeur à l'égard de Nicolas Sarkozy». «Quand il y a une décision prise en commun, il tire la couverture à lui, a-t-il poursuivi, ce n'est pas comme ça que ça peut marcher un couple franco-allemand».