La crise de confiance en l'euro parmi les investisseurs et les spéculateurs s'est poursuivie hier. La monnaie unique a même touché un creux de quatre ans et demi face au dollar américain dès l'ouverture des marchés avant de se redresser quelque peu.

L'euro recule face aux 16 plus importantes monnaies à taux flottant depuis le début de l'année. Il achetait hier 1,2385 dollar américain, soit 13,5% de moins qu'en début d'année.

 

La désertion de l'euro favorise le billet vert, perçu comme le principal refuge.

Le dollar canadien résiste assez bien à la tourmente qui sévit sur le marché des devises. Face au billet vert, le huard a cédé 19 centièmes à 96,79 cents d'équivalence. Il demeure en hausse de 1,8% depuis le début de l'année.

Face à l'euro, notre monnaie fait très bonne figure avec un gain de 15,15% cette année. L'euro s'échangeait hier contre 1,2804$ canadien. Un huard achète 0,781 euro.

Le recul de l'euro a toutes les chances de se poursuivre, la classe politique et la Banque centrale européenne paraissant incapables de dissiper les doutes des intervenants sur les marchés financiers.

«L'euro a été au-dessus de sa valeur d'équilibre à long terme au cours des sept dernières années (exprimée en parité de pouvoir d'achat, PPA), signale Stéfane Marion, économiste en chef chez Banque Nationale Groupe financier. À environ 1,23$US, il est à seulement cinq cents de sa PPA.»

L'humeur des marchés peut cependant le faire chuter davantage. La banque suisse UBS le voit tester bientôt le plancher de 1,15$US. BNP Paribas, qui prédit remarquablement les cours des monnaies depuis trois ans, le voit s'échanger au pair avec le billet vert d'ici un an.

La disgrâce de l'euro repose sur la conviction grandissante que le mécanisme de stabilisation financière européen de près de mille milliards de dollars voté le 9 mai va ralentir considérablement la croissance des 16 pays qui l'ont adopté pour monnaie.

Empêcher que la dette n'atteigne pas l'équivalent de 100% du PIB d'ici la fin de la décennie ramènerait la croissance potentielle de la France et de l'Allemagne à seulement 1,4% et 0,8% par année, selon les calculs de Banque TD Groupe financier.

«Le durcissement fiscal va entraîner sans doute une période de croissance économique lente à travers l'Europe», jugent Craig Alexander et Beata Carenci, économistes à l'institution torontoise.

Pareille anémie va entraîner une faible inflation et surtout de bas taux d'intérêt. Pour les investisseurs, cela signifie une rémunération modeste de leurs capitaux investis en euros, que ce soit sous forme d'actions ou d'obligations.

Doutes

Plusieurs doutent en outre que le mécanisme de stabilisation puisse éviter à certains pays comme la Grèce de ne pas honorer leurs dettes à moyen terme.

Les porteurs de cette dette deviennent à risque. Ce sont avant tout les banques de la zone euro. Fin 2009, elles détenaient 2950 milliards de dettes publique et corporative du quintette PIIGS (Portugal, Irlande, Italie, Espagne et Grèce).

En comparaison, l'exposition du Royaume-Uni est de 418 milliards, celle des États-Unis 187 milliards et celle du Canada, un minuscule 0,418 milliard, constate Benjamin Reitzes, économiste chez BMO Marchés des Capitaux. «L'Europe ne peut plus se permettre de reporter ses problèmes fiscaux, les marchés ne le permettront pas et l'euro pourrait ne pas y survivre», affirme-t-il.

La méfiance raréfie les liquidités en dollars sur les marchés du crédit interbancaire dans la zone euro. Hier, le taux interbancaire offert à Londres pour un prêt de trois mois, connu par son acronyme anglais LIBOR, a atteint 0,46%, son niveau le plus élevé depuis le 7 août alors que la reprise était encore très fragile.

Pour venir en aide aux détentrices d'obligations du Portugal, de l'Irlande, de la Grèce et de l'Espagne, la Banque centrale européenne en a acheté la semaine dernière sur le marché secondaire pour 16,5 milliards d'euros.