L'Union européenne est prête à passer outre aux réticences britanniques pour approuver dès demain un projet visant à encadrer plus strictement les fonds spéculatifs, accusés d'alimenter la spéculation, au risque d'un premier conflit avec le nouveau gouvernement de David Cameron.

Le projet de directive sur ces fonds de couverture dispose «d'une majorité qualifiée de suffisante» parmi les 27 États européens, a prévenu vendredi au Financial Times la ministre espagnole de l'Économie, Elena Salgado, dont le pays préside actuellement l'Union européenne.

«Notre intention est de l'approuver» à la prochaine réunion des ministres demain à Bruxelles, a précisé Mme Salgado.

Londres, d'où sont gérés 70% des fonds spéculatifs européens, ne cache pas ses réticences. Le précédent gouvernement du travailliste Gordon Brown a déjà obtenu en mars un premier report, pour éviter de lui porter préjudice pendant la campagne électorale des législatives britanniques.

Mais cette fois, les partenaires européens de la Grande-Bretagne semblent décidés à passer en force.

Ils ne sont, de toute façon, guère d'humeur à faire des cadeaux à Londres, après avoir été irrités par le refus britannique de participer, il y a une semaine, au mécanisme européen de garanties pour des prêts aux pays de la zone euro en difficulté.

Mercredi, lors d'une réunion des ambassadeurs des 27 pays de l'UE à Bruxelles, un accord s'est déjà dessiné sur le texte, a indiqué à l'AFP un diplomate européen. Les ministres des Finances devraient le confirmer demain afin de lancer des négociations avec le Parlement européen en vue d'une adoption avant l'été.

Selon ce diplomate, seuls les Britanniques et les Tchèques ont encore exprimé des réserves sur le projet. Mais, finalement, «même les Britanniques ont plaidé pour qu'il soit maintenu à l'ordre du jour de la réunion ministérielle, sans doute pour donner l'occasion de s'exprimer là-dessus à leur représentant», le nouveau ministre britannique des Finances, George Osborne.

Dans la ligne de mire

Le texte vise à mettre en place une plus grande transparence et un certain nombre de règles pour ces fonds accusés d'être les instruments privilégiés des «spéculateurs», aujourd'hui dans le collimateur des gouvernements, qui leur reprochent d'aggraver la crise dans la zone euro.

En échange, les gestionnaires de fonds européens se verraient délivrer un «passeport» qui leur permettrait d'exercer dans toute l'UE.

Le texte inquiète tout particulièrement la City de Londres.

Le maire de la ville, Boris Johnson, mène depuis plusieurs mois une active campagne de lobbyisme à ce sujet. Notamment auprès du commissaire européen responsable du dossier, le Français Michel Barnier, et des eurodéputés chargés de négocier au nom du Parlement européen, en premier lieu desquels le conservateur français Jean-Paul Gauzès, qui a été désigné rapporteur du Parlement.

Son rapport doit d'ailleurs être examiné ce soir par la commission des Affaires économiques, quelques heures avant la réunion des ministres européens.

Le traitement des gestionnaires et des fonds établis dans des pays en dehors de l'UE, et notamment dans des paradis fiscaux, fait en particulier débat.

L'association qui représente l'industrie mondiale des fonds spéculatifs, l'AIMA, s'inquiète depuis des mois d'«implications protectionnistes» du projet européen, des règles trop strictes pouvant de facto bloquer l'entrée de l'UE pour les fonds extérieurs.

Le gouvernement américain a aussi écrit à Bruxelles pour protester contre d'éventuelles mesures discriminatoires envers les banques et fonds américains.