De passage en Allemagne, samedi, dans le cadre des célébrations du 65e anniversaire de la victoire des alliés sur les nazis, le premier ministre Stephen Harper n'a pu s'empêcher de commenter la crise qui secoue la zone euro.

À ses yeux, ce n'est pas tant le système financier mondial qui fonctionne mal, mais plutôt certains États qui s'occupent mal de leurs finances. C'était une bonne façon de mettre le Canada en évidence.

M. Harper n'a pas complètement tort, même si la spéculation vient exacerber les maux des États européens en crise et de ceux qui partagent leur monnaie. En font foi les sommets d'urgence de l'Union européenne à Bruxelles et la téléconférence de la Banque centrale européenne, hier.

L'économie de la zone euro a stagné au premier trimestre. Elle a même reculé dans plusieurs États méditerranéens.

Le bras de fer entre les membres de l'Union européenne et les marchés financiers va sans doute perdurer, les seconds pariant sur l'incapacité des premiers à se relever ou à les mater.

Le Canada en subira quelques contrecoups.

On l'a déjà vu, la semaine dernière, avec la chute de 4,4% de l'indice boursier S&P/TSX de Toronto et par le repli de plus de 2 cents et demi du huard face au dollar américain.

Le recul du dollar canadien doit être mis en perspective. Notre monnaie continue de s'apprécier contre l'euro.

Sur le marché des devises, la semaine dernière, on vendait des euros et on achetait des dollars américains. Quand la peur s'installe, les capitaux se réfugient dans les actifs les plus liquides. Jusqu'à preuve du contraire, ce sont les bons du Trésor américains.

Ce mouvement exerce une pression à la baisse sur les taux d'intérêt à moyen et long termes aux États-Unis. N'eût été la crise européenne, ils auraient dû grimper, compte tenu que Washington inonde les marchés d'obligations pour financer son déficit abyssal.

Ces faibles taux vont aider les entreprises américaines à souffler et les ménages à consommer davantage.

Avec une monnaie légèrement affaiblie, les exportateurs canadiens pourront y voir des occasions à court terme.

Les pressions à la baisse sur les taux sont tangibles aussi au Canada, où les investisseurs d'ici et d'ailleurs apprécient les obligations fédérales. Même avec ses déficits budgétaires actuels, le Canada fait bien meilleure figure que les États-Unis, la France ou le Royaume-Uni. L'attrait de la dette canadienne signifie qu'Ottawa et les provinces paieront un peu moins cher pour la financer. Les déficits risquent d'être un peu moins élevés que prévu.

Les grandes entreprises qui se financent sur les marchés financiers plutôt qu'à la banque comme vous et moi emprunteront à meilleur taux elles aussi. Le loyer de l'argent qu'on leur prête évolue selon leur note de crédit, mais aussi beaucoup parallèlement aux taux des obligations canadiennes.

Cela vient faciliter, pour les entreprises, le financement d'achats d'équipement et de matériel informatique pour accroître leur productivité. Cela pourra les aider quand le huard renouera avec la parité dans quelques mois, si les Européens surmontent la crise actuelle.

Banques européennes

Ce qui est en cause, ce n'est pas seulement la solvabilité des États fragilisés par la crise économique comme la Grèce, le Portugal ou l'Irlande. C'est surtout les banques européennes détentrices de la dette de ces pays.

Toutes les banques sont obligées de détenir des réserves pour garantir leurs prêts. Ces réserves ont même été accrues à la suite de la crise financière de 2008.

Elles ne dorment pas dans des coffres-forts ou autres bas de laine. Elles sont placées dans des véhicules jugés jusqu'ici sûrs et rentables, comme les obligations des États souverains. Si ces obligations sont dépréciées ou non monnayables, les banques deviennent soudain en manque de liquidités.

La crise européenne est avant tout une crise des banques européennes puisqu'elles détiennent le gros de la dette des pays dans l'eau chaude. Cela donne prise à des élans spéculatifs.

Or, les banques canadiennes détiennent très peu de dettes européennes. Sur leurs 758 milliards de réserve compilées par la Banque des règlements internationaux de Bâle, à peine 70 sont en obligations de la zone euro.

C'est seulement si les banques européennes devaient tomber, ce qui paraît hautement improbable, que le système bancaire canadien serait ébranlé puisqu'il fait beaucoup affaire avec elles.

 

Les électeurs «punissent» Merkel

Huit mois après son succès aux législatives, la coalition de la chancelière Angela Merkel a subi hier, sur fond d'aide à la Grèce contestée, un camouflet électoral historique qui la met en minorité à la chambre haute du Parlement allemand et va gêner son action. L'alliance de l'Union chrétienne-démocrate (CDU) de la chancelière et des libéraux (FDP), qui gouvernent ensemble à Berlin, a perdu la majorité en Rhénanie du Nord-Westphalie, État de l'ouest du pays. Outre un désaveu de la coalition au pouvoir à Berlin, ce résultat signifie que Mme Merkel ne peut plus compter sur une majorité au Bundesrat, qui représente les 16 États, ce qui va l'obliger à chercher des compromis avec l'opposition sociale-démocrate (SPD). La crise grecque a joué pour beaucoup dans l'issue du scrutin, deux jours après le déblocage de crédits allemands pour plus de 22 milliards d'euros sur trois ans, auquel la majorité des Allemands sont hostiles. AFP