Le parlement allemand a donné vendredi son feu vert tant attendu à la participation du pays au sauvetage de la Grèce, malgré une opinion publique résolument hostile au prêt de plus de 22 milliards d'euros sur trois ans.

Le Bundestag, chambre basse du parlement, a adopté avec une confortable majorité (390 sur 601 présents) la loi qui permettra à la banque publique KfW de débloquer son crédit pour Athènes. Quelques heures plus tard, la chambre haute, le Bundesrat, où siègent les représentants des 16 États régionaux, a donné son aval.

Le gouvernement, qui fait face à une échéance électorale cruciale dimanche, a plaidé devant les députés pour la défense de l'euro et de l'Europe. «Pour les Allemands, avec leurs expériences particulières au 20e siècle, la stabilité de la monnaie n'est pas n'importe quoi», a argumenté le ministre des Finances Wolfgang Schäuble, «c'est de cela qu'il s'agit aujourd'hui».

Selon un dernier sondage, 56% des Allemands sont opposés à un crédit à la Grèce.

Le gouvernement de la chancelière Angela Merkel s'est longtemps cabré contre un soutien de la Grèce, alors que l'État régional le plus peuplé, la Rhénanie-du nord-Westphalie (ouest), vote dimanche. La coalition conservateur-libéraux de Mme Merkel pourrait perdre la majorité au Bundesrat en cas de défaite, ce qui l'obligerait à composer avec l'opposition.

Les tergiversations de la chancelière, qui voulait ménager ses électeurs et a cru jusqu'au dernier moment que les déclarations d'intention suffiraient à calmer les marchés, ont irrité les partenaires de l'Allemagne. En Grèce, elle est vue comme ayant aggravé les déboires du pays en refusant de s'engager plus tôt.

Et même en Allemagne sa popularité s'en trouve sérieusement écornée. Près de la moitié des Allemands (48%) considéraient qu'elle n'a «pas très bien» voire «pas bien du tout» géré la crise grecque.

Ironie du sort, ses hésitations font que le déblocage de l'aide va coïncider avec le scrutin de dimanche. Si cela était intervenu plus tôt, «le courroux des électeurs aurait peut-être eu le temps de se calmer un peu d'ici les élections», relevait un cadre non identifié de son parti, cité par le quotidien Financial Times Deutschland vendredi.

Au Bundestag les élus du plus gros parti d'opposition, le Parti social-démocrate (SPD), se sont abstenus. Les Verts ont voté en faveur du plan, et la gauche radicale (Die Linke) contre, montrant du doigt les spéculateurs, «talibans en costume rayé».

Même au sein de la majorité, la grogne était palpable. «Nous faisons tout cela avec de gros maux de ventre», a déclaré le député libéral (FDP) Otto Fricke.

L'Allemagne, première économie européenne, va supporter la plus grosse part des 80 milliards de prêts bilatéraux des partenaires européens de la Grèce, soit 8,4 milliards d'euros cette année et jusqu'à 14 milliards d'euros supplémentaires en 2011 et 2012.

Le deuxième plus gros contributeur sera la France, avec un apport de 16,8 milliards d'euros sur trois ans. Mais le débat public allemand sur la question a pris une ampleur inédite, l'opposition de la population ne fléchissant pas contre le «plus gros chèque de tous les temps», selon le quotidien Bild, en campagne contre la Grèce.

La loi sur l'aide à la Grèce devait encore être signée dans la journée par le président de la République Horst Köhler, avant le départ de Mme Merkel pour un sommet européen à 17H00 GMT à Bruxelles.

Comme annoncé, un groupe d'euro-sceptiques notoires a déposé plainte devant la Cour constitutionnelle pour tenter de bloquer la loi, mais les analystes comme le gouvernement jugeaient nulles leurs chances d'aboutir.