L'Espagne inquiète les marchés à cause de rumeurs alarmistes mais aussi parce que les investisseurs doutent de sa capacité de rebond économique et de la détermination du gouvernement socialiste à adopter des mesures sévères souhaitées par les investisseurs.

«Le marché se base toujours sur des choses réelles, le problème grec est réel et contamine d'autres pays» dont l'Espagne, même s'il réagit de «manière exagérée», a déclaré à l'AFP David Navarro, gérant de la banque Inversis.

«L'investisseur doute beaucoup de l'Espagne (...), à cause des difficultés que nous avons pour nous mettre d'accord» pour enrayer la hausse des déficits publics, alors que les perspectives de croissance sont faibles pour les années à venir après l'éclatement de la bulle immobilière.

Depuis le début de la crise en 2008, l'exécutif socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero a toujours eu au moins un train de retard dans l'analyse de la situation. Il lui a fallu des mois pour accepter de prononcer le mot «crise», et ses prévisions ont presque toujours pêché par excès d'optimisme, notamment sur le taux de chômage, qui a bondi à 20%.

Le plan d'austérité de 50 milliards d'euros annoncé en janvier pour ramener les déficits publics de 11,2% en 2009 à 3% en 2013 ne contient pas de mesures spectaculaires comme des gels de salaires dans la fonction publique, adoptés par exemple par le Portugal. Il ne semble pas convaincre les marchés.

«Nous commençons à mettre en place» ce plan, a déclaré mercredi la ministre de l'Economie Elena Salgado, écartant l'idée de mesures additionnelles.

Vendredi dernier, le gouvernement a approuvé la suppression de plusieurs postes de hauts fonctionnaires pour un montant de 16 millions d'euros.

«C'est du maquillage», lance Rafael Pampillon, économiste à l'IE Business School de Madrid, qui plaide pour un gel des salaires des fonctionnaires, et pour que la réforme du marché du travail actuellement négociée soit ambitieuse.

Jusqu'ici, «nous n'avons rien fait. Personne ne peut se leurrer», estime cet économiste, comparant les mesures adoptées à «un goutte à goutte, qui au final n'aboutit à rien».

Aujourd'hui, un accord entre le parti socialiste au pouvoir et l'opposition de droite est indispensable, estiment ces experts.

Au Portugal voisin, le gouvernement et le principal parti d'opposition ont annoncé le 28 avril leur intention de «travailler ensemble» pour faire face à la crise de la dette. Mais en Espagne, les hommes politiques sont profondément divisés sur les remèdes à la crise.

«Nous avons besoin d'un accord politique», selon M. Navarro, alors que le chef de l'opposition conservatrice Mariano Rajoy s'entretenait mercredi matin en tête à tête avec M. Zapatero sur les questions économiques.

«S'ils étaient des hommes d'Etat, ils passeraient un pacte» pour «prendre des mesures impopulaires, répartissant le coût politique du mécontentement», estime M. Pampillon.

Ce pacte est doublement nécessaire, car sans lui, les déficits publics espagnols ne pourront pas baisser dans les régions espagnoles fortement autonomes au plan financier tenues par les barons socialistes ou conservateurs.

«Ils doivent se mettre d'accord pour réduire les coûts dans les régions», et pour permettre la restructuration du secteur bancaire espagnol, un thème qui inquiète les marchés en raison des résistances opposées par les régions à la refonte des caisses d'épargnes régionales en difficulté.

Le hic, c'est que des élections régionales se profilent dans presque toutes les régions d'ici à deux ans. «Aucun homme politique (local) ne va diminuer les coûts (...) maintenant, ce serait du suicide politique», résume M. Navarro.