Un fonds d'investissement responsable trahit-il ses détenteurs de parts en investissant dans une entreprise qui crache du pétrole en pleine mer à coup de centaines de milliers de litres chaque jour? C'est le débat qui secoue le milieu de l'investissement éthique alors que la pétrolière BP se débat avec une fuite de pétrole sur le point de provoquer une catastrophe écologique et économique.

Plusieurs fonds qui se targuent d'être «socialement responsables» sont en effet actionnaires de BP. Selon une compilation de la firme de recherche Morningstar, les fonds RBC Jantzi Global Equity, BMO Sustainable Opportunities et BMO Guardian Sustainable Opportunities ont même fait de BP l'un de leurs 15 plus importants investissements.

 

Les fonds Meritas International Equity et IA Clarington Inhance Global Equity, aussi présentés aux investisseurs comme socialement responsables, détiennent des pourcentages significatifs de leurs actifs dans BP, selon les divulgations les plus récentes.

Philip Lee, analyste de fonds chez Morningstar, a rappelé hier sur le blogue de son entreprise qu'une explosion était survenue en 2005 dans les installations de BP au Texas, tuant 15 personnes et en blessant 170 autres. BP avait aussi fait les manchettes à cause de fuites de pétrole en Alaska au milieu des années 2000.

«Je ne sais pas quel genre de grille d'analyse d'investissement responsable ont utilisé ces fonds, mais les détenteurs d'unités ne se sentent sûrement pas très bien avec ça et pourraient même se sentir trahis de voir que l'une des entreprises de leur fonds est responsable de l'une des pires contaminations de pétrole de l'histoire», continue M. Lee.

«La décision d'investir dans BP revient à chaque investisseur, précise David O'Leary, chef du Service d'analyse des fonds chez Morningstar. Je crois cependant qu'on peut dire sans se tromper que bien des gens risquent d'être surpris et déçus de voir qu'un fonds socialement responsable investit dans une entreprise qui provoque un désastre écologique.»

Meilleure que son secteur

Michael Jantzi, président de Jantzi Sustainalytics, avait pour sa part classé BP comme une entreprise «admissible» à l'investissement responsable. Et il défend son choix.

«BP n'est pas une entreprise parfaite, loin de là, dit-il. Mais lorsqu'on la compare aux autres entreprises du secteur du pétrole et du gaz, elle se classe parmi les meilleures 20%.»

Dans le cas du récent accident, M. Jantzi souligne que c'est surtout Transocean, un sous-traitant de BP, qui est en cause. M. Jantzi admet cependant que BP est ultimement responsable et surveille de près sa réaction.

«Est-ce que BP maintiendra son classement? Nous allons attendre le bilan de l'accident pour le dire», dit-il.

Geoff Owen, directeur des relations médias de la Banque Royale, dit aussi sélectionner les meilleures entreprises de leur secteur pour choisir les investissements. Il rappelle que BP ne représente «qu'une petite fraction des investissements» du fonds RBC Jantzi Global Equity et que les entreprises qui composent le fonds sont «constamment réévaluées».

Olivier Gamache, PDG de Groupe investissement responsable, affirme de son côté que BP était «sur une liste d'entreprises à surveiller de très près» à la suite des fuites de pétroles détectées en Alaska. Le groupe juge toutefois que retirer les investissements reviendra à «se déresponsabiliser». «On aime mieux travailler avec l'entreprise», dit-il.

Bob Walker, vice-président au développement durable chez NorthWest&Ethical Investments, de Vancouver, est d'un tout autre avis. Il a pour sa part cessé d'investir dans BP en 2004.

«À partir de 2002 et 2003, nous avons commencé à être préoccupés par les questions de sécurité chez BP. Et ce, même s'ils ont mis en place une stratégie de marketing pour rehausser leur image», lance-t-il.